Je vais fortement manquer d'originalité mais une petite citation de la réalisatrice Rose Bosch sur le fait de ne pas chialer en visionnant son film s'impose :



On pleure pendant La Rafle parce que… on ne peut que pleurer. Sauf si on est un « enfant gâté » de l’époque, sauf si on se délecte du cynisme au cinéma, sauf si on considère que les émotions humaines sont une abomination ou une faiblesse. C’est du reste ce que pensait Hitler : que les émotions sont de la sensiblerie. Il est intéressant de voir que ces pisse-froid rejoignent Hitler en esprit, non ? En tout cas, s’il y a une guerre, je n’aimerais pas être dans la même tranchée que ceux qui trouvent qu’il y a 'trop' d’émotion dans La Rafle.



Un lave-vaisselle qui fait des films, et puis quoi encore ?


Alors non, à moins d'être une madeleine en puissance on ne verse pas systématiquement des larmes de crocodile devant ce film. Ne pas pleurer ferait de nous des enfants gâtés cyniques considérant que les émotions sont une abomination et une faiblesse ? La bonne blague. L'ouvrir pour sortir des conneries aussi immenses est au-delà du surréaliste, avec un peu de chance elle pourrait passer le casting d'incroyable talent. Donner comme argument que c'est ce que pensait Hitler relève de l’esbroufe la plus totale. Hitler était végétarien, c'est intéressant de constater que les personnes ne mangeant pas de viande rejoignent Hitler dans leurs pratiques alimentaires. Oui, on est à ce niveau là de sophisme, si ce n'est de paralogisme au vu du passif de la dame en question, et de connerie profonde. Considérer le fait que le film soit mensonger, que le pathos pour faire pleurer dans les chaumières utilise des ficelles absolument énormes et hautement caricaturales ferait de nous des nazis en puissance ou montrerait que nous avons le même schéma de pensée qu'Adolf Hitler ? Consternant. Le degré de bêtise de cette apologie d'un mode de pensée unique me révulse. Pareil pour le traitement des nazis et des méchants français collabos tout à l'opposé de certains "gentils" dans le film, on assiste à une sorte de diabolisation à outrance complètement ridicule au manichéisme risible (les forces de l'ordre contre les pompiers par exemple). Les protagonistes sont souvent caricaturaux et liés à une seule conception. C'est nier leur caractère humain et refuser d'affronter la réalité en face. La situation et les personnes dans la situation présentée dans le film étaient bien plus complexe que tout cela. Et oui, accessoirement, les nazis et les collabos sont tout autant humains et complexes que les juifs. C'est là que se pose tout le problème justement. Quand à l'émotion, c'est un bien grand mot. Comment se laisser émouvoir par des stratagèmes aussi grossiers ? Et puis si prochainement il devait y avoir une guerre je doute fort du fait qu'il y ait des tranchées... C'est fini ces conneries, depuis que l'aviation permet d'embarquer des engins explosifs de tout poil impossible que cela arrive. Maintenant on te largue une bombe ou l'on t'envoie des missiles dans la tronche. C'est plus efficace. Bref, dans la catégorie "gros point Godwin de merde", "j'aurai mieux fait de fermer ma gueule au lieu de dire des conneries qui me font passer pour une imbécile" et "dictature du devoir de mémoire pleurnichard" Rose Bosch remporte le premier prix à l'unanimité.


On l'aura compris, le film est un tire-larmes manquant clairement de subtilité tout en se prenant très au sérieux. Encore ce serait du second degré assumé et revendiqué, mais non, ici tout est systématiquement dramatisé sans aucun tact. Quand on aborde un tel sujet ne pas prendre de recul face à une situation que l'on n'a pas vécue personnellement est très casse-gueule. Et là ça ne loupe pas. Il est pourtant possible de faire des films sur le sujet avec finesse et sans édulcoration aucune, il suffit de regarder le film de Polanski : Le Pianiste. Tiré du récit autobiographique de Władysław Szpilman le film montre à mon sens la vie de cet homme avec sobriété sans dramatisation à outrance ni atténuation des évènements subis. On voit les horreurs qu'il a traversé, sans que le film ait l'outrecuidance de vouloir nous les faire comprendre. Comment pourrait-on comprendre ce que ces personnes ont vécu ? Dans une moindre mesure, mais cinématographiquement plus percutant (peut-être parfois trop) on trouve aussi La Liste de Schindler de Spielberg. Tous ces évènements ont une importance historique capitale et méritent un traitement digne de ce nom. Pas un film suintant la guimauve à tous les étages et offrant une vision réductrice des évènements en voulant trop en faire. Heureusement il y a quelques éléments qui sauvent un peu du naufrage manichéen. Tout d'abord l'amie d'une des mères qui ne sait pas où se placer durant la rafle en question. Ensuite le gendarme qui contrôle la jeune fille qui va à l'infirmerie du Vel d'hiv en la draguant lourdement puis qui la reconnaît quand celle-ci veut s'enfuir en se faisant passer pour la femme du plombier mais qui la laisse passer quand même. Le doute planant sur ses réelles intentions est laissé, soit celui-ci fait cela parce-qu'il trouve quand même la situation révoltante, soit il n'a juste pas envie de s'emmerder. Du reste on a des juifs un peu trop confiants sur leur sort pour que ce soit crédible, un Vel d'hiv trop peu chaotique pour l'être également. Mais attendez ! J'ai gardé le meilleur pour la fin du paragraphe ! Le gamin de 4 ans qui part dans le train en directions des chambres à gaz où il est censé mourir, oui ce gosse insupportable qui passe son temps à la ramener et qui a été mis dans le film pour faire "mignon" mais qui est juste très chiant, simplement pour foutre une horrible fin d'une niaiserie sans nom avec l’infirmière qui l'a soigné dans le camp, EH BAH IL SURVIT PUTAIN ! J'ai cru avoir une hallucination, mais non, c'était bien lui bordel ! Il a fait comment pour sortir ? Il y avait Kamel le magicien ou Eric Antoine dans ce foutu train ? Ils l'ont jeté par la fenêtre ? Ce petit con avait caché un masque à gaz dans sa couche ? Voilà comment foutre en l'air tout un film.


Reste plusieurs points importants. le casting tout d'abord, avec Gad Elmaleh, Jean Reno et Mélanie Laurent en tête d'affiche. Je ne vois pas l'intérêt d'un tel casting de personnalités, dont un comique, si ce n'est pour rendre le film "bankable". En plus j'ai trouvé le premier assez transparent et les deux autres faux. Le rôle de Reno ne lui convient pas du tout et Mélanie j'ai le melon et je tue Hitler dans mes rêves depuis que j'ai 4 ans Laurent joue très mal, j'ai tilté à plusieurs reprises sur des passages vraiment mal interprétés. Par contre j'ai assez aimé la présence d'Adèle Exarchopoulos, un petit plus sympathique, même si elle n'est pas à son meilleur niveau dans le film. Mais c'est plutôt la direction des acteurs dans sa globalité qu'il faut blâmer (Bosch n'ayant certainement pas la rigueur ni l'opiniâtreté d'un Kechiche), la plupart d'entre eux jouant assez faux et n'aidant pas à l'immersion dans le film. Côté accompagnement sonore c'est plutôt bien fait, avec des musiques généralement discrètes. J'ai bien dit généralement, parce-que là où ça pêche c'est lors des fameux moments "tire-larmes" où elle manque clairement de subtilité en faisant bien comprendre que c'est à ce moment qu'il faut se répandre en pleurs. Pour le reste, tout ce qui est décors et réalisation c'est acceptable. Bien que le Vel d'hiv représente trop peu le chaos ambiant, la luminosité verdâtre et glauque qu'il devait y avoir sur place, un Paris trop radieux pour sembler vrai, ainsi-que le camp de Beaune qui bien que rustique, fait bien trop propret. Soulignons le fait que les barbelés traversés par les gamins dans ledit camp ne sont pas un histoire de quelques minutes comme dans le film mais de longues heures à travers une vingtaine de mètres d'entremêlements de ces fils coupants. Quand à la réalisation elle est sans prétention. Les plans sont globalement assez propres, malgré certains choix peu judicieux (le nounours qui tombe et hop le petit zoom sur l'ours en peluche du gamin...). On a quand même fortement l'impression de se retrouver devant un téléfilm plutôt qu'autre chose, c'est loin d'être brillant...


Et de toute façon qui aurait envie de pleurer en voyant Gad Elmaleh se faire déporter dans un film ? Je ne sais pas, c'est comme si dans Star Wars Jar Jar Binks se faisait exploser la tronche. Qui en pleurerait, mis à part ceux qui repasseraient la scène juste pour se marrer ? Et puis rien que sa vanne au début du film ôte toute possibilité de compassion ! Encore la blague un peu potache des gosses est pardonnable, mais l'autre non... Sans compter qu'après avoir vu les représentations d'Hitler et du gouvernement Pétain j'ai failli m'étouffer. Pour le premier c'est tellement grossier et caricatural que ça en devient aberrant. Dans un film qui se prend autant au sérieux c'est tout bonnement désespérant. On n'est pas dans un Inglourious Basterds qui ne prétend évidemment pas être au premier degré et qui est volontairement outrancier, voire même grotesque. La Rafle une "œuvre" presque "scolaire" qui se veut réaliste et sérieuse. Accorder aussi peu de crédibilité historique à tout ça est honteux, surtout que le travail de reconstitution historique est mis en avant. Sans parler de Pétain ou de Laval. Laval dont le trait est forcé à l'excès, même si c'est lui qui a en grande partie construit la politique antisémite de Vichy et sans que les allemands aient eu besoin de faire plus pression que ça. Mais bon, occuper la moitié de la France et menacer de l’envahir entièrement était sans doute déjà pas mal malgré les prédispositions évidentes du monsieur en question. Même s'il ne faut pas oublier que le personnage s'est particulièrement distingué par son excès de zèle. Le véritable Pétain était un vieillard de 85 ans au mauvais endroit et au mauvais moment, usé, un brin naïf, avec un contrôle tout relatif sur ce qu'il se passait réellement et fautif par son inaction. Certes il est loin d'y être innocent et il a fait de très mauvais choix mais dresser un tel portrait du personnage est affreusement réducteur. Lui mettre aussi clairement ces faits sur le dos est fallacieux, il est loin d'être innocent mais également loin du personnage décrit. Il est certes établi qu'il porte une lourde responsabilité sur ses épaules, mais la situation était inimaginablement complexe que cela. Traiter cette question demande un peu plus de subtilité. Le point du vue nuancé, sans angélisme ni diabolisation, du général de Gaulle est bien plus vraisemblable :



Toute la carrière de cet homme d’exception avait été un long effort de refoulement. Trop fier pour l’intrigue, trop fort pour la médiocrité, trop ambitieux pour être arriviste, il nourrissait en sa solitude une passion de dominer, longuement durcie par la conscience de sa propre valeur, les traverses rencontrées, le mépris qu’il avait des autres. La gloire militaire lui avait, jadis, prodigué ses caresses amères. Mais elle ne l’avait pas comblé, faute de l’avoir aimé seul. Et voici que, tout à coup, dans l’extrême hiver de sa vie, les événements offraient à ses dons et à son orgueil l’occasion tant attendue de s’épanouir sans limites, à une condition, toutefois, c’est qu’il acceptât le désastre comme pavois de son élévation et le décorât de sa gloire [...] Malgré tout, je suis convaincu qu’en d’autres temps, le maréchal Pétain n’aurait pas consenti à revêtir la pourpre dans l’abandon national. Je suis sûr, en tout cas, qu’aussi longtemps qu’il fut lui-même, il eût repris la route de la guerre dès qu’il put voir qu’il s’était trompé, que la victoire demeurait possible, que la France y aurait sa part. Mais, hélas ! Les années, par-dessous l’enveloppe, avaient rongé son caractère. L’âge le livrait aux manœuvres de gens habiles à se couvrir de sa majestueuse lassitude. La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s’identifier avec le naufrage de la France.



Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, l’Appel, 1940-1942.


Ce navet m'a profondément énervé, j'ai eu l'impression d'être pris pour un imbécile. Un tel sujet méritait un drame historique de qualité, pas cette daube pathétique qui malgré quelques éléments salvateurs ne parvient pas à insuffler une quelconque intensité dramatique au récit et ce malgré un thème on ne peut plus grave. Si il y a bien une chose qui mérite de se faire rafler, c'est ce film. C'est quand même un comble pour un film avec des chambres à gaz de ne réussir qu'à brasser de l'air. Quoique que l'on pourrait le qualifier d'usine à gaz, même si en l’occurrence ça tient plus de la chambre à air qu'autre chose...

Brad-Pitre

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