Je commencerais cette critique en citant la réalisatrice du film, qui a déclaré :
« Je me méfie de toute personne qui ne pleure pas en voyant le film. Il lui manque un gène : celui de la compassion.[...] On pleure pendant La Rafle parce que… on ne peut que pleurer. [...], sauf si on se délecte du cynisme au cinéma, sauf si on considère que les émotions humaines sont une abomination ou une faiblesse. C’est du reste ce que pensait Hitler : que les émotions sont de la sensiblerie. Il est intéressant de voir que ces pisse-froid rejoignent Hitler en esprit, non ? »


Moi, quand je lis cette déclaration, voici ce que mon esprit entend :
"Hey, hey, t'as vu ? T'as vu ? Mon film, là, y parle du génocide, c'est grave hein ? C'est pas bien; alors vas-y chiale, CHIALE PUTAIN !!! D'ailleurs tu sais qui ne pleure pas devant ce film ? Les nazis ! Tu as envie d'être un nazi ?"


Du coup, moi, ce genre de truc, ça me pose quand même un cas de conscience, parce que j'ai pas pleuré devant ce film... J'me suis marré...


Bon, j'avoue, j’exagère, je me suis pas marré tout du long, et puis c’était quand même un rire un peu forcé pour lutter contre les aberrations de ce film, mais quand même ! Que même moi, j'en arrive à rigoler devant un film sur la Shoah,... c'est chaud quand même ! Alors soit j'ai des problèmes, soit ce film en a de plus gros que moi (ce qui ne serait pas plus rassurant, notez bien).


Pourquoi ce film est donc un échec ?
Bah déjà parce qu'il est hyper caricatural : Les Juifs, c'est les gentils tous gentils tout innocents; les parisiens, c'est des connards intolérants; les policiers, c'est des simples marionettes qui ne font qu’exécuter les ordres et les Nazis, c'est le Mâââââl ! Vachement pratique, au moins on est sur de pas se gourer en essayant d'imaginer que tel personnage de nazi pourrait éventuellement être un mec un peu sympa, mais nous on peut pas comprendre, hein, les nazis c’étaient tous des enculés racistes, eugénistes et mangeurs de bébés, c'est notre faute à nous de pas pouvoir comprendre, on est jeune on est cons...
Et pour plus de subtilité, les scènes avec des nazis, ça montre soit des nazis dans une pièce toute noire avec une grosse croix gammée en fond et un portrait d'Hitler sur le coté, soit le Furher qui prend du bon temps dans les beaux appartements tous blancs de Paris et qui rigoler avec des femmes bien habillées; et même que les Juifs, eux, ils habitent dans un quartier tout beau tout propre, et la vie est belle pour eux, oui, je crois vraiment qu'une communauté oppressée arrivait à être heureuse malgré les lois antisémites en vigueur sous le régime de Vichy.
Vous avez saisi le niveau de manichéisme lourdingue ou ça va trop vite pour vous ?


Mais les personnages en eux même sont pas mieux lotis, et surtout les personnages juifs, parce qu'à part leur statut de juifs, ils n'ont tous qu'un seul trait de personnalité obéissant chacun à un stéréotype particulier quand on cause racisme et génocide : Le papa gentil tout plein et attentionné, la fille qui sait que tout va péter et le crie sous tous les toits mais personne ne l’écoute, le gentil docteur, etc. Vous n'irez jamais me faire croire que des stéréotypes sans personnalité sont des vrais gens qui ont existé dans le vrai monde. A quel point c'est ironique pour un film qui cherche justement à dénoncer les agissements d'un parti politique qui voulait exterminer les "races inférieures" en les déshumanisant...
Et c'est assez con de faire ça, vu que le film se concentre justement sur ces gens...


Bien sûr, mauvais film historique oblige, on a droit à des dialogues/cours d'histoire qui ne servent à rien à part nous démontrer que le scénariste a bien bossé son sujet, idéal pour plaire à la critique presse et aux professeurs d'histoire-géo, mais un peu moins classe pour des quidams lambdas qui veulent juste voir un film...
On a même une scène ou cette pauvre Mélanie Laurent, qui avait rien demandé à personne, se retrouve à faire la morale à un policier français, genre "C'est pas bien ce qui se passe, si c'est comme ça c'est parce que vous laissez faire, blablabla...", ce à quoi ce dernier rétorque, stoïc, "J'ai des ordres" ...


Mais le petit truc en plus, c'est que le film est rempli de séquences débilement larmoyantes, un seul exemple, la scène des arrestations, sur fond de musique triste, avec des gens qui pleurent de partout, des femmes avec des regards inquiets, des bagarres, et même un suicide d'une femme avec son bébé pour faire joli. Ah, et pour la subtilité, les gouvernementaux on les montrera comme des méchants, parce qu'ils font genre c'est du business d’arrêter des gens, groouuuuuuuuu !
Et au passage, pensons à ajouter des enfants de partout, parce que s'il y a bien un avantage avec ces petits bouts de merde, c'est qu'ils attirent facilement la sympathie, du coup quand il leur arrive des trucs pas cools, le pigeon~ le spectateur est pris de pitié et chiale comme une fille. C'est vendeur, hein ?
Du tire-larmes bateau sans émotions, si c'est pas ironique, ça... Putain, Le Pianiste me manque...


Mais la scène qui personnellement m'a fait littéralement péter un câble, c'est la scène des lances à incendie : Les juifs sont rassemblés dans le stade, y ont soif, les pompiers arrivent, les Juifs y réclament de l'eau, et du coup les pompiers, profitant du fait qu'ils ne sont ni policiers, ni allemands et peuvent donc échapper à la caricature, décident d'être gentils et de leur filer de l'eau en utilisant des lances à incendie... Situées directement dans le stade, en plein milieu de la foule... Concrètement, y avaient pas besoin d'attendre l'arrivée des pompiers pour utiliser eux-mêmes les tuyaux et avoir de l'eau mais... On va dire que comme ça, on a au moins 5/6 persos français non-juifs qui sont pas des gros méchants pas beau... Ah, et pour en rajouter une couche, t'as même le chef des pompiers qui va pour faire la morale au chef des flics et lui dire comment c'est pas bien ce qui se passe, si c'est pas sympa de sa part, ça.
La réalisatrice cherche tellement à ériger ces gens en martyrs qu'elle en nique complétement la simple logique cinématographique, c'est n'importe quoi !


Bordel, mais c'est qui qui a écrit un brulot pareil ?
Ah, c'est Rose Bosch, la réalisatrice...


Bon, écoutez, Rose - je peux vous appeler Rose ? Ok, votre film, ça parle du Vel d'Hiv, et Ohlala, ohlala, le génocide c'est pas bien, on est d'accord là dessus.
Seulement, votre film, même s'il aborde un thème aussi grave que la Shoah, est une merde. Pas à cause de son thème, mais à cause des grosses caricatures bien pourries qui le verolent, son manque total de nuance dans le propos, en gros vous résumez un sujet aussi complexe que l'holocauste par "Les Nazis c'est les méchants !", et puis pour un film qui est censé prendre le parti des Juifs, il ne leur donne aucune personnalité, aucun développement, ils en sont réduits à de pales copies d'êtres humains qui n'en sont pas, et je ne parlerais même pas du pathos exagéré et du rythme pourri, parce que le film fait 2h, mais on a bien une demi-heure de vide scénaristique en plein milieu. Dans aucun film du monde, et encore moins dans un film sur la Shoah, ce genre de problèmes ne peuvent être considérés comme étant des composantes essentielles à l’élaboration d'un bon film, au contraire...
Donc oui, Mme Bosch, j'ai ri dans certaines séquences, pas parce que les séquences étaient à mourir de rire, mais parce que les situations étaient si grossières, si grotesques, qu'elle provoquaient en moi l'hilarité, je m'en excuse, ce film est une merde, je suis pire qu'un nazi.


Appelez moi Satan.

Arkeniax
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le 3 avr. 2016

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