La Shoah représente un terreau idéal à la compassion.
Comment ne pas finir la larme à l'œil devant un film relatant une période si sombre d'une France pas si vieille que cela ? Ce film pose deux questions des plus intéressantes: d'une part, comment le régime de Vichy a t'il pu se donner tant de mal à une tâche tout ce qu'il y'a plus de plus inhumaine, mais surtout, quel est le rôle du cinéma quant il s'attele au docu-fiction ? Cette larme qui ronge quelque peu le coin de mon globe oculaire serait-elle absente ou moins tenace devant un témoignage, un documentaire ou encore des images d'archives relatants des mêmes faits ? Que doit apporter en plus le cinéma ?
Roselyne Bosch – point d'humour facile je vous prie – a apparemment décidé de ne pas répondre à cette question. Quand « La vie est belle » ou « La liste de Schindler » (nous ne parlerons peut-être pas d'« Inglourious Basterds », restons un tant soit peu dignes) nous font croire que l'on peut jongler entre Histoire et fiction de la plus belle des façons, « La Rafle » nous rappelle cruellement à la réalité. Il aurait peut-être fallu, sur un principe de forme, faire des choix différents de casting: Mélanie Laurent n'est décidemment pas
l'option idéale, elle n'est qu'éreintante de mollesse, subit le rôle pendant deux heures à notre plus grand désespoir. Je soupçonne même une partie de ma larme lui être toute dévouée, expression supposée de mon incompréhension et de ma compassion. Gad El Maleh, à notre plus grande stupéfaction, intègre parfaitement le rôle de la plus naturelle des façons, mais l'on peut reprocher à Bosch de ne pas s'être assez servie de ce potentiel de fraîcheur, l'acteur étant finalement moins présent qu'on eut pu le penser.
La jolie ribambelle de gamins, tous plus mignons les uns que les autres, frôle le compassionnel abusif: n' avons nous pas aussi le droit de pleurer la destinée tragique de laids ? Ce désir compulsif de Roselyne Bosch, agaçant et surtout inutile, de vouloir tout rendre agréable à l'œil, de rendre les relations familiales et sociales comme autant de fêtes quotidiennes de la vie, freine la dynamique du film et joue malhonnêtement avec l'émotion grand-publique. Nous noterons tout de même la leçon de jeu donnée par Hugo Leverdez, qui porte le film sur ses tous jeunes épaules, et dont certains auraient beaucoup à apprendre.
Ce serait par contre vous mentir que de prétendre ne pas avoir été ému, mais ne peut-on pas que s'émouvoir du sort de 13 000 juifs amassés au Vel' d'Hiv' puis déportés dans différents camps d'extermination, et du courage véridique de l'existant Jo Weismann ? On sort partagé entre le sentiment sain de tristesse éducative et celui d'être tombé dans un traquenard émouvant habilement tendu. On déplorera aussi le peu d'informations explicites ou implicites sur les faits proprement historiques, que devrait nous ouvrir la fin de la croyance résistancialiste gaullienne ou, pire, négationniste .