Glamour, glaçante et diabolique: Meryl Streep à la folie.

Avant de devenir un film culte, Le Diable s'habille en Prada a d'abord été un best-seller du même nom, écrit par Lauren Weisberger et paru en 2005. Conquis par l'originalité en tout point de ce roman, le réalisateur David Frankel, adepte de la comédie (notamment connu pour la série Sex and The City) décide de s'emparer du projet. A sa sortie en 2006, le film connait un véritable triomphe à l'international, autant au niveau commercial qu'au niveau des critiques.

L'histoire est celle d'Andréa, une jeune diplômée, embauchée par le plus prestigieux magazine de mode, Runaway. Ce travail qui ferait rêver de nombreuses personnes va se révéler cauchemardesque pour la jeune femme. Elle doit assister Miranda Priestly, rédactrice en chef de Runaway considérée comme la papesse de la mode dans le monde entier. C'est le début d'une descente aux enfers hilarante. Le Diable s’habille en Prada, est donc une comédie avec une forte part d'humour noir. Le personnage de Miranda jouée par Meryl Streep est l'incarnation même du sadisme et de la torture. C’est d'ailleurs le rôle du méchant qui semble fasciner le public tout comme la critique puisque ce personnage est plébiscité partout dans la presse. Le Figaro et le Monde utilise la même citation d'Alfred Hitchcock pour symboliser leur entrain pour le personnage de Meryl Streep : « Meilleur est le méchant, meilleur est le film. ». Il est vrai que le personnage excelle dans sa cruauté : le jeu tout en finesse de Meryl Streep permet de mieux apprécier les piques glaçants et dorénavant cultes de son personnage. Tous les superlatifs sont employés pour qualifier la performance de l'actrice. Dans l'extrait où Andréa arrive à Runaway, le rythme accéléré et l’agitation commune a tendance à amuser puisqu'il montre la terreur qu'exerce Miranda sans même être présente ou avoir besoin de parler, il s’agit de la première intervention de Miranda Priestly dans le film qui nous donne une certaine idée du personnage tyrannique qu’elle représente alors qu’on ne l’entend même pas. Une fascination envers Miranda qui se poursuit au fil des articles, comme par exemple à travers celui de Telerama qui évoque d'autres rôles de femmes toutes-puissantes comme Glenn Close en Cruella d'Enfer et estime que Miranda n'est pas comparable à ses prédecesseuses diaboliques puisque son humour est transcendant: « Elle [Miranda] sourit comme si elle proférait une menace ».

Si Meryl Streep partage la tête d'affiche avec Anne Hathaway, ce n’est pourtant pas cette dernière qui semble plaire à l’unanimité à travers les critiques. En effet, impressionnées par l'étendu du talent de Meryl Streep, la prestation d'Anne Hathaway est réduit au strict minimum dans les critiques comme dans le Figaro qui ne lui accorde qu'une ligne la mettant en position de victime : « C'est simple: dès que Meryl Streep disparaît de l'écran, sa méchanceté sans bornes nous manque et notre seule hâte est de la voir rapidement revenir malmener la trop gentille Anne Hathaway. ». Le Figaro cherche à faire comprendre que ce qui est le plus drôle dans cette comédie, ce n’est pas de voir Anna Hathaway se battre pour prouver qu’elle mérite sa place, mais plutôt de toujours la voir se faire brutaliser moralement par la méchante de l’histoire. Le personnage d'Andréa, qui est d'une naïveté grotesque et d'un physique aux antipodes de la « fashion victim », est détruite par l'univers de la mode qui se révèle aussi imposant que la présence de Meryl Streep. Toutefois, le statut d'assistante d'Andréa impliquait cette soumission voulue par le réalisateur. Andréa est obligée d'accomplir les exigences totalement improbables ou absurdes de sa redoutable patronne. Le rythme endiablé nous fait courir tout au long du film avec Andréa pour obéir aux volontés de la détestable Miranda Priestly. Tout au long du film, Andréa mène un vrai combat intérieur partagée entre le désir de rester elle-même et le désir de réussir professionnellement ce qui implique de supporter les caprices de Miranda. Le Monde est le seul à parler ouvertument du jeu de Anne Hathaway qu'il juge « délicieux ».

La comédie ne se retrouve pas uniquement à travers les tempéraments divergents des personnages mais aussi dans l'univers de la mode dans sa globalité. Le diable s'habille en Prada est une satire sur le dictat du monde de la haute couture, révélateur de l'exigence excessive recquise par le milieu, de ces abus et de ces excès. Le film décrit avec un humour féroce l'univers complexe et superficiel de la mode où le statut, l'argent et l'ambition sont plus importants que le talent. En effet, le stress, la peur de perdre son poste, le désir de plaire à sa supérieure, la pression pour rentrer dans le moule de l'entreprise sont très bien décrits dans le parcours d'Andréa. La scène d'ouverture du film donne tout de suite la tonalité du film et son genre comique. Ici aucun tyran en vue, seule la mise en perspective de deux mondes différents qui arrive à faire sourire le spectateur. Dans la suite de la scène, on peut également voir par exemple Anne Hathaway acheter une viennoiserie plutôt grasse et prendre le métro alors que les autres femmes se nourrissent à peine et prennent le taxi. Le canon de beauté actuel (la fille mince) et ses conséquences (régimes draconiens) montrent l'aspect frivole du milieu et l'importance de l'apparence. On se doute déjà que ces deux mondes opposés vont finir par être réunis, et c’est aussi là-dedans que l’on retrouvera une tonalité humoristique, avec une Anne Hathaway complètement en décalée avec la mode et perdant son identité en voulant s'assimiler à ce milieu.

La presse française a donc été plus mitigée sur Le Diable s'habille en Prada que la presse internationale. Toutefois, les critiques s'accordent sur l'exceptionnelle et infernale prestation de l'odieuse Meryl Streep. En rédactrice et didactrice de son prestigieux magazine, Miranda Priestly est diaboliquement drôle. Contrastant avec les critiques sur son rôle, ce film a offert à Anne Hathaway une crédibilité et une reconnaissance dans le milieu, lui ouvrant les portes d'une grande carrière. Le Diable s'habille en Prada est le film qui a généré le plus gros chiffre d'affaire de l'année 2006. De plus, il a été de nombreuses fois récompensé avec notamment le Golden Globe mais aussi l'Oscar de la meilleure actrice pour Meryl Streep. Avec ces rythmes endiablés et ces dialogues piquants, Le Diable s'habille en Prada est une comédie glamour et glaçante devenue une référence.
Élodie_Falco
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le 29 nov. 2014

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Élodie Falco

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