Le film est porté par une idée, qui lui donne son nom, à savoir un gamin sur son vélo. Cette idée évoque autant un passé cinéphilique référentiel, on pense à De Sica, un mouvement cinématographique, entendre une dynamique, qu'une force d'attache.
Cependant, contrairement à De Sica, dans le voleur de bicyclette, la relation de l'humain à l'objet n'est pas là pour traduire une situation sociale. Le contexte est présent, il est ce qu'il est, mais il n'est qu'un décor, un terrain de jeu, influent certes, pour les personnages. Les Dardenne ne s'attardent jamais sur le pourquoi, le suite à quoi, le passé. Choix du père, procédures mise en œuvre par Cécile de France pour s'occuper du gamin. On comprend en deux plans, en deux lignes de dialogues. Ce n'est pas important. Ce qui compte c'est l'humain, les personnages.
Dans le Fils la narration progressait en se focalisant sur le dos et les épaules des personnages. Ici le gamin guide le plan. Son mouvement fait avancer l'intrigue avec une sensation de naturalisme, éclipsant l'écriture. A une exception près. La fin et tout ce qui suit cette phrase : « va m'acheter du charbon ». Là l'écriture, la situation rattrape le personnage. On sait, on sent que quelque chose va se passer. On a un temps d'avance sur le personnage, alors qu'avant ça c'est lui qui nous dessinait le passage.
Cette idée du gamin sur le vélo, pour y revenir, est d'une force de cinéma incroyable. Il court aussi beaucoup. Son mouvement perpétuel apporte une véritable frénésie au film. On pense au braqueur, à Doinel dans les 400 coups aussi. Dans sa course on ressent à la fois un besoin de liberté, de fuite vers l'avant, mais également une manière de se détacher du décor, de le survoler. Un besoin d'ivresse.
Mais ce vélo n'est pas que cela. C'est également le dernier lien fusionnel entre l'enfant et son père. La dernière marque d'attachement. Le père n'est là que dans deux séquences mais il hante le film de sa présence. Et il y a quelque chose de profondément bouleversant dans l'amour qu'a l'enfant pour son père qui l'abandonne. Le vélo, c'est la dernière chose qui lui reste de lui, de leur relation.
Enfin, les Dardenne construisent leur film avec quelque chose de très beau, suffisamment subtile et discret pour ne jamais le faire basculer dans un symbolisme démonstratif : une sorte de dualité obscurité / lumière. On n'est pas très loin d'un récit initiatique et suite à cette nouvelle donne, l'abandon, et à cette période de l'enfance, le gamin doit faire des choix.
Si la lumière découle du visage et de la blondeur des cheveux de Cécile de France, l'enfant subit également l'attirance de l'obscur. Et cette idée du petit bois ombragé en marge de la banlieue à quelque chose de l'ordre du conte fantastique.
Teklow13
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le 13 févr. 2012

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