Il est assez plaisant de voir des comédies décalées dans ce genre de nos jours, qui parlent en plus d'un problème actuel et qui osent donner une réponse marginale à l'état de crise. Plutôt que d'accepter la récession (et donc implicitement l'austérité), nos personnages prennent la voie punk et se mettent à hanter un centre commercial charentais (celui où je vais faire mes courses en Charente pour l'anecdote, à Gond-Pontouvre) en prônant la rébellion. Benoît est déjà punk, il vit donc en marginal, dort dans la rue, méprise la société et se revendique comme libre (mais il en chie), alors que son frère Jean Pierre, employé vendeur de literie, loue la société de consommation, vante les mérites du centre commercial, des normes du système... C'est l'employé modèle, jusqu'à ce que son patron lui annonce que ses objectifs semestriels ne sont pas suffisants et qu'il risque fort d'être licencié en ces temps de crise. A partir de là, tout se dérègle. Le moindre retard devient catastrophique, un client potentiel qui déclare ne rien vouloir acheter devient un ennemi (scène hilarante avec un petit malin qui dit venir en magasin prendre les références pour acheter au rabais sur internet), rien de va plus jusqu'au pétage de câble, et à l'attendu licenciement. Et une fois ce dernier arrivé, impossible de retrouver un boulot dans la même branche. Jean Pierre devient alors imprévisible, se lançant régulièrement dans des réactions de colère drôlissimes qui viennent agresser la façade toujours proprette de la société de consommation. Pris en main par son frère punk, nos deux oiseaux se rasent tous les deux le crâne et entament des numéros de pitrerie anti-commerciales des plus réjouissantes. Sincèrement, ce film respire la bonne humeur avec la petite dose de social que contiennent les films d'Albert Dupontel (mais ce n'est pas lui qui réalise ici), et se propose de voir la déchéance d'un employé sous un jour comique, tournant en ridicule les moments de bouillonnement d'Albert (la scène où il boxe un arbre est juste irrésistible). Si le film n'est pas optimiste sur l'issue de la crise (avec encore une fois chez Groland l'apparition de Gégé Depardieu en poivrot qui lit l'avenir dans le mars de café, prédisant pour Jean Pierre non pas du boulot mais un stage non rémunéré), son attitude marginale et volontairement kamikaze (les dégradations du centre commercial, le non respect de la propriété privée...) en font un objet rafraîchissant et totalement attachant qui vient apporter sa pierre à l'édifice du cinéma français. Pourvu que de tels films continuent à sortir...

Voracinéphile
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le 22 sept. 2013

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Voracinéphile

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