J'attendais le nouveau Delépine/Kervern avec jubilation, il m'a laissé sur ma faim. Alors bien sûr on retrouve leur sens du cadrage et du plan fixe tout bergmanien, leur humour par l'absurde et le trash, leur façon si brillante de faire vivre l'arrière plan, leur émouvante poésie, leur sain engagement politique, tous les acteurs formidables que l'on est habitué à croiser dans leurs films et en nouveau venu un Benoît Poelvoorde exceptionnel.
Mais ici tout a un revers : les plans sont parfois trop longs, les gags vraiment drôles sont trop rares, la plupart des guests sont réduits à des apparitions par trop minimalistes (Yolande Moreau ne prononce qu'un seul mot, Miss Ming interprète une muette lors d'une scène de quelques secondes, Denis Barthe est à moitié caché par un objet du décor...), les deux frangins à l'affiche tournent en rond dans leur zone industrielle alors que les personnages des films de Delépine/Kervern ont toujours été dans une dynamique de mouvement très road movie favorisant les rencontres...
Et puis surtout, le fond laisse un goût d'inachevé. A l'heure du printemps arabe et du printemps érable, en ce temps de révolutions où des peuples que l'on croyait soumis ou tranquilles ouvrent avec courage la voie de la révolte et du changement, j'ai trouvé un peu triste de nous montrer deux punks sympas qui veulent se battre contre le système mais dont l'enthousiasmante philosophie anti-capitaliste ne parvient à mobiliser personne et n'aboutit qu'à quelques enseignes égratignées que les grandes entreprises auront tôt fait de réparer.
Dans l'absolu, un bon film bourré de qualités rares ; mais le premier de Delépine/Kervern qui me déçoit partiellement.