En cette fin d’année 2001, j’avais dix ans. Et cinq jours avant celui de Noël mon père m’a emmené voir « La Communauté de l’Anneau » avec mon petit frère au cinéma le plus proche. Je me souviens être sorti bouleversé, me disant que dorénavant il y aurait autre chose que Star Wars dans ma vie, et que je devais faire une petite place pour l’univers de Tolkien. La place qu’a prise cette saga fut plus grande que je n’aurais pu l’imaginer. Je me suis bien entendu précipité vers les livres de son auteur et ceux du genre en général. Mais il y eu aussi la découverte du jeu de rôle, du tir à l’arc, et j’en passe.

Imaginez donc ma joie lorsque j’ai appris la nouvelle d’une adaptation du Hobbit sur grand écran, par Peter Jackson lui-même. C’était un pari risqué, certes. Adapter sur grand écran un livre de 320 pages en trois films de plus de 2h30 chacun était vraiment casse-gueule, mais le résultat est bien plus qu’honorable.

Il y a deux ans donc, arrivait sur nos écran le premier volet, « Le Hobbit : Un Voyage inattendu ». Une véritable prouesse technique et artistique, en somme un film très bien réalisé, quoi qu’un peu lent. Ma déception était à la hauteur de mes attentes. Et je devais me rendre à l’évidence cette nouvelle trilogie ne se hissera jamais à la hauteur de la précédente. Mes frissons avaient disparu mais c’était tout de même avec une joie non dissimulée que je retournais en Terre du Milieu.
L’année suivante « La Désolation de Smaug » s’avéra encore meilleur que le précédent, avec l’impression d’avoir vu un beau et grand spectacle se dérouler sous mes yeux, pardonnant même à Peter Jackson ce qui avait pu me piquer les yeux. Après une extraordinaire joute verbale entre Bilbo et Smaug, nos amis avaient réussi à le chasser de sa montagne. De rage, il se dirigeait vers Lacville mettant en péril la vie de ses habitants. C’est sur ces images que le film s’arrêtait brusquement, nous laissant en suspend pendant un an.

D’où mon impatience à découvrir ce troisième volet. Et dés la première scène mon impatience est récompensée. In medias res, le film démarre exactement là où on l’avait laissé afin de nous offrir une scène d’ouverture magnifique, confrontant Smaug à Bard et aux habitants de Lacville. Il ne s’agit donc pas exactement d’une troisième partie, mais plutôt de la deuxième moitié du film précédent et on comprend dés lors l’envie initiale du conteur néo-zélandais de ne faire que deux films. Après cette longue introduction le sous-titre du film apparaît : « La Bataille des Cinq Armées ». Et c’est en effet de bataille qu’il va être question pendant plus de 90 minutes. Mais très vite on a l’impression que Jackson se rend compte qu’il ne lui reste plus que quelques pages à adapter. Du coup l’intrigue s’étire à travers des séquences qui semblent bien plus longues que ce qu’elles ne devraient être. Avec les dialogues trop longs et pompeux d’un Thörin indécis, et rongé par le doute. Et cela pendant une trentaine de minutes qui paraissent bien plus durant lesquelles les personnages débitent des punchlines suivies de silence se voulant lourds de sens.

Mais très vite Peter Jackson se reprend, et nous amène à retrouver Gandalf que nous avions laissé à Dol Guldur dans une cage, pour une confrontation de magiciens au sommet ! On le sent plus à l’aise avec ses situations, et nous entraîne sans mal à cette bataille tant attendue qui s’étend sur les deux derniers tiers du film. Peter Jackson déploie tout son talent de metteur en scène pour nous livrer une bataille dantesque entre les différents protagonistes : orques (toujours aussi peu convaincants) accompagnés des gobelins et trolls, nains, humains, elfes… Cette bataille d’un point de vue découpage est un mélange entre celle des Champs du Pelennor et celle de Minas Tirith dans « Le Retour du Roi », tout en étant moins impressionnante. Le combat est une démonstration de stratégies militaires différentes, propre à chaque race, et à une chorégraphie des combats millimétrées. Mais malheureusement l’affrontement ne nous semble pas si long (voir même de se terminer assez vite) car rapidement Peter Jackson déplace sa caméra pour nous emmener vers des combats individuels qui n’en demeurent pas moins éblouissants, si ce n’est plus remarquables encore. Lors de ces affrontements il fait un usage très intelligent des décors, les considérants comme de véritables terrains de jeu. Par ailleurs il livre de très beaux moments à Legolas dont l’apparition dans la « Désolation de Smaug » m’avait quelque peu laissé perplexe quoi que tout à fait plausible, et acceptable dans la logique de gonflement des intrigues.

Ce procédé n’a malheureusement pas que des bons côtés et certains choix scénaristiques sont plus que discutables, comme la part belle qui est faite au personnage d’Alfrid le bras droit du maire de Lacville qui se veut drôle, mais n’est qu’irritant et aussi peu utile à l’action que peuvent l’être certains des plus ridicules sidekick de Disney. De plus la romance amorcée dans le chapitre précédent entre Tauriel et Kili n’apporte que peu émotionnellement et vient à plusieurs reprises casser le rythme du film, et lorsque l’on prend du recul sur ce choix on se rend compte que l’intérêt scénaristique de cette relation est vraiment infime. Le véritable héro du film est Thörin et Bilbo n’est que le personnage témoin de ses aventures, qui sera chargé de chanter ses louanges et conter ses aventures à son retour. Mais il est décevant de constater que le hobbit, qui jusqu’à présent était notre œil en Terre du Milieu et seul personnage pour lequel je ressentais une réelle empathie, soit autant effacé dans cet opus. Avec lui disparaît l’humour léger présent dans les deux premiers épisodes. Un sentiment un peu particulier m’a parcouru pendant le film : tous les personnages principaux mettent leur destin en jeux, faisant preuve d’un réel héroïsme, mais leurs envolées ne sont jamais vraiment épiques. Il faut admettre que les enjeux de cette trilogie sont moindres à côté de la destruction de l’anneau.

« There and back again » disait le titre originel de ce dernier opus. Après cette aventure il est maintenant temps pour Bilbo de rentrer chez lui. Alors qu’il aurait pu nous livrer une fin larmoyante, Peter Jackson, ayant probablement encore en tête les reproches des fans quant aux différentes fins du « Retour du Roi », nous sert ici une conclusion des plus sobres. Elle pourra probablement sembler bâcler pour certains, mais pour ma part je la trouve très intelligente, avec une dernière scène s’ouvrant avec simplicité et logique sur le « Seigneur des Anneaux ».

Treize années, six films et 1031 minutes, nous donnent le recul nécessaire pour prendre pleinement conscience de l’entreprise et du travail titanesque fourni par Peter Jackson afin que les générations futures ne voient ces deux trilogies comme un seul et même arc narratif. Et que non, Peter Jackson n’est pas un petit opportun du box-office, et qu’il a eu bien raison de nous offrir cette deuxième trilogie même si inévitablement inférieure à la première mais qui est ce qu’elle promettait d’être : du grand spectacle extrêmement divertissant. Et pour tout ce bonheur apporté, de mon enfance à aujourd’hui, et demain encore (oui oui, les multiples versions à venir), je tenais à témoigner à Peter Jackson de mes plus sincères remerciements. Merci.
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le 6 déc. 2014

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