Tolkien chez Disney ?

Je pense que Le Hobbit est résolument développé pour la 3D. Éternel résistant au relief, surtout quand c'est mal fait, surtout pendant trois heures, je suis allé le voir en 2D — et en VF ce qui peut éventuellement d'un certain côté mais je ne fais que supputer influencer ma déception je sais pas. Pour pouvoir me concentrer sur les acteurs, le déroulement, la technique de Peter Jackson, les morceaux de bravoure et l'humour champêtre qui ne pouvait qu'être illustré à merveille avec les Hobbits et les Nains.

Mais cet humour frôle très très vite le Disney. Seul Gandalf nous indique qu'il s'agit de Nains, parce que seul Gandalf nous permet de voir qu'ils sont plus petits. Du reste, nous avons deux homosexuels à faire tomber les minettes, qui prennent la relève d'Aragorn et de Legolas réunis, un pauvre ère perdu entre un Link autiste et un faune de Narnia qui vivrait sous un pont, un chef de troupe qui s'avance fièrement vers le soleil levant en lançant des belles répliques héroïques de sa voix suave. En se laissant porter par le spectacle, car c'en est un, on reconnaît que tous les codes sont réunis, et que Peter Jackson maîtrise cette construction classique qui permet un bon divertissement.

Mais tout a déjà été fait et refait. Je ne suis pas partisan de l'innovation à outrance, et ce n'est pas cette " redondance déjà vue " que je vise négativement. C'est simplement le fait qu'il n'y ait aucune subtilité. Entre un " Pauvres fous " de Gandalf n'a rien d'anodin, ressortir exactement la même image lorsque Bilbo passe l'anneau au doigt était d'une facilité déconcertante, et, bien que Legolas ne soit pas dans le lot (ouf !), je passe sur les répliques affligeantes qui comptent parmi les pires de toute ma vie. Je passe également sur la chanson des nains dans la maison, adressez-vous à Disney, mais par contre la VF ne m'a pas empêché d'apprécier Over the Misty Mountains Cold. La musique rehausse vraiment le tout ; on entend les mêmes thèmes avec plaisir, arrangés avec quelques subtilités, qui permettent de voyager et de redécouvrir. Mais l'émerveillement de ce nouveau voyage vers la Terre du Milieu retombe vite : les décors sont trop uniformes et très carton-pâteux, notamment lors de l'attaque de Smaug que retranscrit Bilbo. Je comprends qu'il s'agisse de l'architecture naine, régulière et terriblement cadrée, mais même Fondcombe arbore cette froideur très triste.

On croit retrouver quelque chose, et on y consent parce que c'est peter Jackson, parce qu'il sait qu'on est là et qu'il nous promet de grandes choses. Mais on s'émerveille un peu trop par convention, ce qui fait qu'elle retombe vite. Ça n'empêche pas de se poser et d'apprécier notamment la scène finale, mais pour cela, il faut faire abstraction du Seigneur des Anneaux. On le regarde avec ce filtre, parce que c'était génial et qu'on s'émerveillait vraiment. Et si Peter Jackson l'avait adapté simplement comme Le Hobbit était ; comme un conte pour enfants, sans prétentions, plaisant à lire et incitant à une aventure sympathique qui se révélera au fur et à mesure ? Et si le Hobbit était par conséquent la meilleure adaptation jamais réalisée ? Il est une préquelle, certes ; mais pas celle du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson : il adapte simplement celle du Seigneur des Anneaux de Tolkien. Parce que c'est lui qui les a écrits, comme ça, et que c'est la base d'une adaptation.

Le réalisateur adule son œuvre et s'est encore une fois embarqué dans un travail titanesque : il est fidèle, il lui rend hommage. C'est tout.