Le Tigre du Bengale par Coty
« Fritz Lang », à la lecture de ce nom, je sus que je voulais voir Le Tigre du Bengale. Grand nom du cinéma allemand, indissociable de son chef-d’œuvre Metropolis (que je dois absolument découvrir d’ailleurs), ses films ont marqué le cinéma de la fin des 1920s à celle des 1950s.
Le Tigre du Bengale (Der Tiger von Eschnapur) n’est que la première partie du tout formé avec un deuxième épisode Le Tombeau hindou (Das Indische Grabmal), racontant les aventures d’un architecte allemand et d’une danseuse sacrée dans l’Inde des maharadjas. Il s’agit de l’adaptation d’un roman coécrit par Fritz Lang et Thea von Harbou en 1921. En 1922 cette dernière devient la femme et en 1927, Lang met en scène Metropolis qu’il avait également coécrit avec elle. Cependant Fritz et Thea se séparent en 1933, mettant fin à cette brillante collaboration. Une première version cinématographique du Tigre du Bengale sort en 1938, réalisée par… Richard Eichberg ! Car la version de Fritz Lang ne sort qu’en 1959, celui-ci n’ayant pas réussi à trouver les fonds nécessaire dans les années 1920s. De retour en Allemagne après plus de vingt ans aux Etats-Unis, l’occasion se présente enfin et Lang peut enfin réaliser son rêve…
Les visages sont maquillés pour masquer les traits occidentaux des acteurs (tous Allemands sauf l’Américaine Debra Paget dans le rôle féminin principal), les lois sacrées de l’Hindouisme ne sont pas vraiment respectées, la ville d’Eschnapur est une pure invention… mais on est plongés avec succès dans l’Inde fascinante du temps de maharadjas, avec ses palais des mille et une nuits, ses traditions envoûtantes, sa hiérarchie brutale. Là le tigre est le roi des animaux, symbole de puissance, et l’affronter est la plus grande preuve de courage. C’est ainsi qu’est présenté notre héros, Harald Berger, courageux, jeune architecte : secourant une belle danseuse des griffes du félin. Cette danseuse sacrée est elle aussi l’invitée du maharadja qui, fou d’amour, s’expose aux critiques de ses conseillers jaloux de son pouvoir. Tout est là pour que Fritz Lang nous offre une véritable fresque d’aventure, de romance et d’exotisme, tel un conte fabuleux loin de toute critique de la société contemporaine.
Et c’est ce que plusieurs ont reproché à Lang, dont ils attendaient une œuvre plus ancrée dans leur réalité, plus piquante et sarcastique envers le système, les mœurs et les traditions. L’accueil réservé au Tigre du Bengale fut ainsi mitigé, bien que le film plut à une grande partie des spectateurs qui savourèrent la belle histoire que leur racontait-là Fritz Lang. Tous ont particulièrement dû apprécier les danses fabuleuses de Seetha, enchaînements de postures tantôt lascives, tantôt cassées sur des rythmes rapides et changeants. L’inspiration vient de la danse traditionnelle indienne mais aussi des courbes de la danse orientale et de quelques mouvements de contemporaine pour un résultat tout à fait réussi et très théâtral.
Le film se termine en plein suspense. Que va-t-il arriver à nos deux héros épris d’un amour interdit l’un pour l’autre ? Le maharadja pourra-t-il quelque chose contre cet amour ? Perdra-t-il le pouvoir face aux complots qui se fomentent contre lui ? Le Tigre du Bengale n’est réellement que la première partie d’un tout et une suite plus grandiose nous est annoncée à sa fin pour notre plus grand plaisir. Les grands mots sont de sortie pour nous donner envie d’en savoir plus, ce que les dernières scènes réussissent très bien à elles-seules. Car l’on s’est laissé prendre au piège de Lang, on s’est laissé emporter dans son aventure indienne… Il ne reste plus alors qu’à découvrir Le Tombeau hindou !