Impossible d'avoir une lecture à sens unique du film. D'un côté on lui reconnaît volontiers des traits d'humour réussis et une originalité dans le traitement des personnages et du thème principal. D'un autre, une avalanche de maladresses ou d'obsessions bizarres viennent gâcher le tableau.
Tout d'abord une très étrange présence des SDF dans le film. Étrange dans la représentation qui en est donnée. À la fois personnes-clé, mais à qui on ne donne pas vraiment d'identité, ni de pouvoir concret (ce sont les autres qui les font exister en se souvenant de ce qu'ils ont dit ou en leur confiant une tâche), à la fois invisibles et traités de façon stéréotypiques (personne ne parle vraiment à celui qui pourtant suit tout le temps le personnage principal de la petite fille) : ainsi on décrira à de multiples reprises leur odeur mélange de sueur et de pisse, et un des personnages dira qu'il arrive souvent que des SDF lui sortent leur bite à la figure dans la métro. À d'autres reprises ce sont les réfugiés qui sont traités de façon caricaturale, réduits à des figures lointaines sur les matelas d'une église en attente d'un renvoi vers l'Ouzbékistan par la police. Bref, des thèmes assez graves traités dans la plus pure naïveté et légèreté, comme des éléments normaux de la normalité normale. Forme d'ordre des choses décidé par Dieu, justement, et qui ne sont que des éléments autour desquels se font la vie des gens qui n'y voient rien à redire.
Au final cela transpire sur tout le film : Jaco van Dormael utilise des éléments "sociaux" pour donner du corps à son récit, un peu de réalisme - mais ces éléments sont juste des façades derrière lesquelles rien n'est montré ni traité, ce qui forcément donne une sensation de creux.
Deuxième exemple, l'humour tombe dans le même travers. On fait camper à la pauvre Yolande Moreau une énième femme au foyer un peu débile et incrédule (elle mérite tellement mieux) et on fait jouer à Poelvoorde un rôle qui ne demande de lui que des explosions de colère calibrées comme il sait les faire. Lui aussi mérite mieux. Mais surtout leurs disputes tombent complètement à plat : cette histoire du nombre d'apôtres relatif à leur préférence d'équipes de sport, les reproches de Dieu à sa fille sur le fait qu'elle soit la préférée de sa mère, bref... La sauce ne prend pas, ça sonne creux aussi. Ce sont des éléments pseudo-authentiques, comme une fenêtre sur le quotidien d'une famille avec ses petites obsessions. Mais l'impression de réalité s'essouffle vite tant il se limite à ce petit élément initial qui finit par ne jouer aucun rôle dans la configuration des relations elles-mêmes.
On passera aussi sur la vision de l'amour très simpliste, l'impasse sur la situation de Dieu, le jeu des acteurs en déclamation face caméra qui fait très répète filmée...
Trop cérébral? Trop immature?
Trop belge?...