Le Voyage de Chihiro
8.4
Le Voyage de Chihiro

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2001)

C'est en années qu'il faut compter le temps qui a passé sans que je revois ce film. Jusqu'à en oublier l'essentiel, les grandes lignes de l'histoire.


Je ne me rappelais que de cette formidable aptitude du dessin animé à développer dans les petits détails la finesse, la subtilité et la poésie du monde dans lequel on vit, mais également celui de l'imaginaire, les deux se nourrissant l'un de l'autre. Ce "voyage", terme tellement en adéquation avec l'expérience que représente son visionnage, m'était donc une nouvelle fois accessible avec ces sentiments d'émerveillement qui se répètent presque sans cesse pendant un peu plus de deux heures.


Ce qui est incroyable, c'est que la magie du cinéma opère non pas sur la netteté chirurgicale du trait, la brillance des couleurs, ni la fluidité de l'animation, mais bel et bien de l'invention ou de l'attention portée aux menus détails qui font la différence avec un autre banal dessin animé. Avec des petits riens, avec surtout une délicatesse dans le regard posé sur le dessin, les personnages, les décors, Miyazaki parvient à toucher. On redevient enfant devant ce film, on se souvient de l'éblouissement et la surprise qu'on ressent petit devant le ciel constellé de feux d'artifice au 14 juillet. Oh, la belle bleue ! Oh, le beau reflet dans l'eau de cette mer! Oh, le beau mouvement du vent sur ce lac d'épis ! Des petites choses toutes bêtes, toutes simples en apparence, et pourtant ! Que de soins apportés à l'élaboration de ce dessin, finalement très riche, tellement foisonnant qu'on peut le voir et le revoir et y découvrir d'autres éléments qui nous avaient échappé auparavant.


Au delà de ce formalisme naturaliste et réaliste, le film est une belle parabole sur l'enfance, le passage difficile de l'adolescence quand on est bouleversé dans nos confortables habitudes enfantines, si rassurantes.
Ici, Shihiro déménage : adieu passé, adieu enfance, école, amis et déjà les parents n'écoutent plus l'alarme, ni la peur de l'enfant, ils se transforment, en gros cochons affamés de satisfaire leurs propres envies. Sentiment d'abandon, la vie coule, on la perd, l'angoisse est là, pesante, trop envahissante. La petite Chihiro entame son initiation. Elle découvre l'amour, la dureté de la vie, du travail, que rien ne s'obtient sans effort, sans en payer le prix, que le monde n'est pas toujours soit noir, soit blanc, qu'il est fait de bien des nuances. Oui, le monde se complique à l'adolescence, mais ce n'en est pas la fin pour autant, bien au contraire, l'horizon défile et découvre de nouveaux espaces.


C'est un peu tout ça qu'on peut lire dans "Le voyage de Chihiro" et sans doute encore bien d'autres choses, que je n'aurais pas perçu aujourd'hui, mais qui sait, une prochaine fois?


http://alligatographe.blogspot.fr/2015/10/chihiro-kamikakushi-miyazaki-spirited.html

Alligator
8
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le 4 févr. 2013

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