Il y a une chose essentielle à savoir avant de se lancer dans ce film. Ce ne sont pas « Les Aventures de Tintin » d'Hergé. Ce sont « The Adventures of Tine-Tine » de Spielberg. Le réalisateur nous le fait bien savoir d'ailleurs, dès la scène d'ouverture du film. Il rend en effet un joli hommage au dessinateur belge, qui pince un peu le cœur de l'enfant qui sommeille en nous et qui lisait les aventures du petit reporter avec une lampe de poche sous sa couette. Mais voilà, le réalisateur fait un simple clin d'œil comme une politesse, pour ensuite imposer sa vision du héros dans le reste du film. Comme pour dire : « J'ai eu les droits, je fais ce que je veux maintenant ! »
Alors certes, cela fait dresser les cheveux sur la tête de certains qui prennent cela comme le viol de toute une œuvre. Pour ma part, mon constat est le suivant pendant et après avoir vu le film : Tintin est un héros de BD qui ne peut être adapté tel quel sur grand écran. Et Spielberg l'a bien compris. Tintin est un ptit gars qui donne des coups de poings qui font tourner des petites étoiles de couleurs autour de la tête de ses ennemis. Il est un peu vieillot, presque un poil désuet avec son futal de golf et sa houppette de garçonnet. A part en dessin animé sur France 3, il est quasi inadaptable, encore plus pour le public américain, public incontestablement cible de Spielberg.

Alors le réalisateur à contourner, appuyer le trait, gonfler, atténuer. Tout ça pour rendre moins européen le héros qu'il souhaite exporter. Personnellement, je ne doute pas une seconde qu'il aime beaucoup Tintin et qu'il ait compris l'essence de la BD. Mais il est assez intelligent pour savoir qu'il ne pouvait décemment pas rendre l'œuvre originelle d'Hergé sur grand écran, qui plus est face à un public de 2011. Par contre, Spielberg n'est malheureusement pas assez modeste pour avouer cela aux médias et aux tintinophiles. La tête un peu trop enflée sous sa casquette Jurasic Park, il a chanté à tous qu'il avait planché (c'est le cas de le dire) pendant très longtemps sur les BD afin de retranscrire fidèlement l'esprit d'Hergé. Ce qui, pour ma part, est totalement raté, sans en faire un mauvais film.

Alors, au fond, ce Tintin de Spielberg, c'est quoi ? Attention, les prochaines lignes sont le produit d'une personne ayant lu Tintin « comme tout le monde » sans être particulièrement une énorme fan connaissant sur le bout des doigts chaque case. Pour moi Tintin, c'est plus l'Ile Noire, le Congo ou encore les bijoux de la Castafiore que le Secret de le Licorne ou Rackam le Rouge. Et oui, on est un peu monomaniaque à 10 ans.
Je suis donc allée voir Tintin par curiosité et avec de (trop ?) mauvais a priori. Certains d'entre vous doivent sans doute savoir pourquoi : cf critique de Seigneurao... Mais je n'ai pas laissé les vilains mots du grand panda entamer ma curiosité de petit panda roux. Et à mon grand étonnement, je n'ai pas été déçue. Car justement, j'ai regardé ce film pour ce qu'il est et avec mes propres repères sur Tintin.
Le générique démontre tout à fait cette alliance entre Hergé et Spielberg : la silhouette de Tintin découpée en ombres chinoises sur ce gros cercle jaune que tout le monde connaît mais sur la musique du générique de « Catch Me if You Can » de Monsieur Indiana Jones. Spielberg va s'emparer d'un mythe pour le faire sien. On peut être pour ou contre, le tout est qu'il en a fait un film tout à fait agréable, à l'animation qui m'a laissée béate d'admiration (malgré une vision en 3D sans intérêt).
Par moment, j'ai même reconnu Tintin, retrouvé l'univers de la BD, notamment par la présence des Dupond(t) qui rend parfois hommage à l'humour burlesque de l'œuvre papier (malgré un intérêt faiblard dans le déroulement de l'intrigue).

Pour autant, ce qui se ressent grandement dans le film, c'est que transposer la BD sur grand écran, de surcroit en « motion capture », rend le tout un peu trop « sérieux », palpable. Cela tend à rendre crédibles des actions qui, dans la BD, sont tout à fait inimaginables à reproduire dans la « vraie vie ». Je ne sais comment bien expliquer ce sentiment. A trop vouloir rendre vrai Tintin, ce dernier en perd un peu de sa magie. Mais après, une fois cette idée en tête, on suit le film comme n'importe quel autre film d'aventure. Il y a une énigme à résoudre, des scènes d'actions qui font mouche et un rythme qui tient en haleine jusqu'au bout.
Je comprends tout à fait ce que peuvent lui reprocher ses détracteurs mais je n'ai pas vu ce film ainsi. Rien ne m'a choquée outre mesure dans la personnalité du reporter. Certes il se bat, mais il me semble que dans la BD aussi ; il a un flingue, mais j'ai également ce souvenir dans la BD. Il est fort malin et débrouillard (certes au point de pouvoir piloter un avion), n'est-ce pas le cas chez Hergé ? En bref, Tintin est un héros et Spielberg a gonflé ce trait-là dans son film. Pas de quoi fouetter un chat il me semble.

Non, moi ce qui m'a réellement égratigné les yeux et les oreilles, est le personnage du Capitaine Haddock. Et là, Spielberg ne peut pas nier qu'il a trouvé en ce brave alcoolique au bout du rouleau, son ressort comique à destination de son public cible. Car à l'instar d'un Tintin devenu presque super-héros, Haddock devient un ultra-loser. Il me semble en effet que dans la BD ce personnage n'est pas qu'un poivrot bas de plafond. Car si le reste du film appuie ou allège, là il transforme carrément. Et Haddock perd de sa superbe alors qu'il est sans nul doute le meilleur personnage de la BD. Certes il est drôle mais là il en devient presque crétin. Et j'avoue aussi que le coup du rot dans le moteur m'a fait un peu grincer des dents...

Pour le reste, je ne connais vraiment pas assez l'histoire des BD de base pour rendre compte de la salade que nous ont servie les trois scénaristes. Au fond, ça ne va pas m'empêcher d'avoir aimé le film dans sa globalité. Licorne aux pinces d'or ? Who cares ? Au fond, c'est peut-être mieux ainsi, ça évite aux fans d'être encore plus déçus !
Il suffit de remplacer « D'après l'œuvre d'Hergé » par « Librement inspiré de... » sur l'affiche et le tour est joué.

De toute façon, au fond, je pense que ce film aura au moins le même effet sur tous, réconciliant 10/10 et 1/10 : il donne envie de (re)lire « Les Aventures de Tintin » d'Hergé.
Il a un peu la saveur d'une madeleine de Proust emballée dans un sachet fraîcheur et bourrée de conservateurs. Ca ressemble à, ça a le goût de, mais ce n'est pas...

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le 1 nov. 2011

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Before-Sunrise

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