Les Enfants Loups nous présente une vision de la maternité, et plus largement de la femme, outrageusement réactionnaire. J’ai pu lire ça et là que le film était un hommage à toutes les mères au dévouement sans borne. Et c’est là que je tique.
En quoi le dévouement d’une mère passerait-elle nécessairement par le déni d’elle-même, une crétinerie sans nom et une niaiserie hors du commun ? Pourquoi faut-il toujours les dépeindre comme des femmes d’une passivité incroyable ? Mère Courage mon œil !

Les Enfants Loups est à ce titre un film absolument irritant parce qu’il veut passer pour un film fort, aux sentiments presque majestueux, alors qu’il n’est que l’histoire d’une jeune femme qui avait tout pour réussir et s’est encombrée de deux mômes ingrats qui ne se rendent pas compte de tout ce qu’elle a fait pour eux. Et l’élément fantastique du loup-garou n’y change pas grand-chose, car elle n’a elle-même pas le caractère d’une louve. Elle regarde ses enfants grandir de loin, elle-même perdue dans son propre passé, à parler à la photo de son mec qui n’a rien trouvé de mieux que de mourir bêtement.
Si elle avait eu un tant soit peu de dignité, elle aurait élevé ses enfants au lieu de les laisser lui pourrir la vie. Elle finit tout de même en rampant dans la boue sous la pluie à la recherche de son fils, alors que ce dernier a choisi depuis longtemps de suivre les traces de son père (quelle riche idée) en la délaissant totalement ! Certes, les enfants quittent le nid (rarement à 10 ans) et on ne les élève pas pour les garder pour soi, mais de là à finir à genou en hurlant son nom avant de lui souhaiter tout simplement de prendre soin de lui, c’est absolument égratignant pour la condition féminine et maternelle. Une louve aurait eu plus de dignité.

Et bien sûr, vu qu’ils sont deux, le réalisateur ne s’est pas foulé : la fille veut être une gentille humaine et le garçon un loup mystérieux. Hop emballé c’est pesé. Comment ça de la subtilité ? Les petites filles aiment jouer avec des perles et ne peuvent se sociabiliser qu’en portant des robes que leur maman leur a amoureusement cousu avec une vieille machine. Que c’est beau, j’en chialerai.
Alors qu’un garçon a le droit de ne pas aller à l’école, même si sa sœur (sa sœur !) lui somme d’aller s’instruire. La maman n’a pas le temps de sermonner son petit garçon d’amour : elle est à la cuisine.

Je pourrai me déverser des heures sur le sujet, mais malheureusement, ce ne sont pas les seuls défauts du film. En dehors des passages que je qualifie « Pretty Woman » (à savoir ellipses temporelles sur fond musical) qui prennent la moitié du film (pour rappel, ce procédé est utilisé quand on n’a rien d’intéressant à dire), Les Enfants Loups est incroyablement laid. Outre certains paysages assez sympathiques : un plan sur la maison de campagne, une forêt par-ci, une montagne par-là, les personnages sont proches de ce que l’on retrouvait avec joie le mercredi dans Un Collège Fou Fou Fou. Est-ce de la paresse de ne pas dessiner les yeux, le nez ou même la bouche de son personnage, sous prétexte qu’il n’est pas cadré en gros plan ? Est-ce que la mine de crayon s’est cassée pour que la plupart des lèvres soient à chaque fois coupées en deux ?
Quelle étrange idée de faire cohabiter ces personnages avec des décors parfois si somptueux. Ajouter à cela tous les clichés du genre : la femme seule qui va se réfugier à la cambrousse et qui y rencontre un vieux bougon-mais-au-cœur-tendre, Ame qui ressemble à son père trait pour trait en grandissant, la famille toute heureuse qui batifole dans la neige en riant (quelle scène gênante)… Le seul passage culotté qui m’a interloquée c’est la relation sexuelle zoophile du début. Une petite prise de risque mais qui, bien sûr, ne sera jamais reprise par la suite, trop casse-gueule.

Vous l’aurez compris, ce film ne m’a pas plus du tout : longuet, stéréotypé, presque misogyne, avec pourtant un potentiel de départ très intéressant (réécriture du mythe du loup-garou), il n’a fait que m’énerver encore plus au rythme des minutes qui s’égrenaient. Si certains veulent en débattre et m’apporter une lecture nouvelle, je suis preneuse, car je n’arrive pas à croire qu’un tel film puisse être à ce point adulé.

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le 29 janv. 2014

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Before-Sunrise

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