Ancienne critique :

Incroyable film, d'une modernité étourdissante. Oeuvre collégiale des frères Siodmak, de Zinneman et Ulmer, dans laquelle la part de Robert Siodmak est prépondérante.

Entre documentaire et fiction, le film rebondit sans arrêt. Des plans superbes d'intelligence, de grâce, d'invention donnent au tout une fraîcheur merveilleuse et sidérante.

Dommage que certains comédiens souffrent d'un jeu plus que médiocre. Je pense surtout aux hommes (le plus enveloppé n'est pas loin d'être très mauvais) car il se dégage des deux jeunes filles quelque chose de subjuguant même par moments, une grâce, une élégance, un naturel confondant, envoûtant.

Difficile d'exonérer ce film de nos regards contemporains, un trouble nous atteint.
Nous sommes les témoins d'une Allemagne, moderne, active, heureuse où l'on se baigne le dimanche dans les lacs berlinois, où l'on drague, où l'on rie. On y fait l'amour, on y pleure, on court, on fait la sieste, on respire le bonheur, on écoute le gramophone sur la plage, on retrouve ensuite le travail le lundi matin. Et pourtant, il s'agit bien de l'Allemagne pré-hitlérienne. Il s'agit bien d'une oeuvre qui au delà des images, des rires, des regards et de l'intimité dévoilée, porte en elle une puissance et une modernité qui aujourd'hui ne laisse pas d'agiter le ciboulot.

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Nouvelle critique:

La première fois que je l'ai vu, j'ai pris une grosse claque sur le beignet. Ce qu'ont fait cette bande de jeunes réalisateurs et scénaristes que sont Curt Siodmak, Robert Siodmak, Edgar G. Ulmer, Fred Zinnemann et Billy Wilder, dans le Berlin de l'entre-deux-guerres est d'une telle modernité, d'une telle vivifiante vigueur!

Tant sur le plan formel avec une invention continue, que sur le plan scénaristique avec une histoire très simple, naturaliste, très proche des personnages, j'ai envie de dire d'un humanisme rafraîchissant, le film surprend, sans arrêt.

L'acquisition du Blu Ray Criterion promettait une revoyure paradisiaque. Elle le fut, évidemment. Le jour où un Criterion déçoit, je m'arrache une coucougnette. L'image est superbe.

Surtout, ce qui ne cesse de m'époustoufler, c'est cette variété incroyable dans les cadrages, dans la recherche esthétique qui donne une vie pas croyable aux images.

Peut-être que l'inexpérience de ces comédiens amateurs y est pour beaucoup également. C'est vrai que leurs sourires paraissent d'une sincérité rare, comme si elle éclatait sous la lumière de ce dimanche champêtre. Des instantanés chipés au hasard devant la caméra. Bouderies de jalouse, sourires enjôleurs de bellâtre, éclats de rires moqueurs, espiègleries qui ont tout du printemps et de la jeunesse resplendissante scintillent littéralement dans cette lumière que la caméra capture pour l'éternité.

Oui, il y a aussi ce sentiment d'être devant un objet témoin de son époque que ces jeunes réalisateurs promis à un bel avenir veulent voir gaie et insouciante, malgré la crise qui n'en finit pas. Le plaisir de vivre un dimanche à la campagne, sur le lac, en forêt, dans ces parcs qui semblent des parenthèses dans une vie laborieuse, peut-être un peu routinière, ce plaisir illumine les visages, les corps se délassant, les appétits qui s'ouvrent et les jeux... car à l'hédonisme répondent ces petits marivaudages qui font aussi bien battre les cœurs que une course dans les bois. Cette poésie totale transpire sur chaque plan.

La mélancolie n'est pas loin mais le souffle de vie est finalement toujours le plus fort. Comme un battement, une respiration, le rendez-vous du dimanche n'est pas reporté.

C'est d'autant plus touchant que l'on sait, nous, ce qu'il advient de ces petits bonheurs dans les années à venir. C'est une oeuvre très fort, renforcée par le poids de l'histoire certes, mais à l'essence, au discours propres, que l'on peut détacher de la politique tout de même.

Sa construction porte en elle une dynamique collective et des espoirs presque une profession de foi qui sont extrêmement émouvants, qui me touchent personnellement. Je trouve ce film magnifique.
Alligator
9
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Créée

le 5 janv. 2013

Modifiée

le 16 mars 2014

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Alligator

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