Liquid Sky
6.6
Liquid Sky

Film de Slava Tsukerman (1983)

Liquid Sky est un long métrage de science-fiction expérimental russo-américain sorti en août 1982 et réalisé par Slava Tsukerman, un cinéaste russe ayant démarré sa carrière à 21 ans en totale indépendance. S’il est connu aujourd’hui essentiellement pour l’œuvre du jour, on lui doit également quelques de programmes télévisuels fort populaires auprès du public de la Mère Patrie, ainsi qu’une généreuse pelleté de films – essentiellement des documentaires – qui lui valurent pas moins de 13 récompenses à travers le monde dont 7 uniquement pour Liquid Sky. Ainsi les mémoires retinrent ce dernier comme le chef d’œuvre du réalisateur puisque Tsukerman en est à la fois l’auteur, le metteur en scène, le monteur et le compositeur.


Juste pour la forme, sachez que le métrage a bénéficié d’un budget de seulement 500 000 dollars pour sa production mais en a tout de même rapporté 1,7 millions rien que dans les premiers mois de son exploitation. On peut donc parler de Liquid Sky comme d’une réussite commerciale indéniable mais qu’en est-il de sa dimension artistique ?



Une aventure humaine



Fort de son succès à la télévision russe, Slava Tsukerman part vivre aux États-Unis à la fin des années 70 après un crochet par Israël. Pendant cinq ans, il s’imprègne de la culture, analyse le mode de vie des Américains et s’entoure d’artistes contemporains pour les besoins de sa prochaine production : une attraction psychédélique censée mettre en lumière les excès, les travers, d’une communauté à la surface branchée mais aux abysses infernaux – celle des artistes « new-wave ». On peut donc affirmer qu’avant même d’être science-fictionnelle, Liquid Sky est une œuvre satirique, et qu’après tout la présence d’une créature extra-terrestre est assez anecdotique, même si les explications d’un astrophysicien monomane – véritable projection du cinéaste – contribuent à tisser le fil de l’intrigue.


Ainsi, la photographie de l’œuvre est à l’image de son époque : à la fois électrique et sombre, criarde et provocatrice, même si l’ensemble de la mise en scène est quelque peu sclérosée, la faute à un budget relativement serré. Liquid Sky n’a, de ce fait, pu être tourné que sur pellicule de 35mm classique – en ratio 1.33:1 –, format assez restreint pour déployer les idées visuelles de Slava Tsukerman, ce dernier ayant même envisagé de retourner son bébé en numérique avec un maximum d’images de synthèse. Étant donné le « revival eighties » de ces dernières années et la production de remakes à la chaîne, cela n’est pas étonnant, mais est-ce bien nécessaire ?


Liquid Sky fait partie de ces films spontanés et bien sentis parce que bâtis sur des fulgurances ; en tête de liste la prestation d’Anne Carlisle qui interprète deux des rôles principaux et, qui plus est, deux personnages de sexes opposés. Non, la seule chose qui mériterait une actualisation demeure la bande originale. Malgré sa réputation avant-gardiste, car composée à l’aide d’appareils qui commençait à peine à être exploités dans les années 80, force est de constater qu’elle rend certaines situations grotesques et la globalité du film froid pour ne pas dire sans âme. D’aucuns diront que l’effet est voulu, sonorités distordues, entêtantes et cauchemardesques appuyant la descente aux enfers des personnages.


À sa sortie, Liquid Sky s’est attiré des foudres unanimes ; depuis le jeu des acteurs jusqu’au look des protagonistes en passant par la taille ridicule du vaisseau spatial, tout lui a été reproché. Beaucoup ont également prétendu qu’il s’agissait d’un film tourné par et pour des drogués, à croire qu’il serait insultant de dresser un portrait d’un mouvement culturel sous-représenté aussi désespéré, superficiel et décadent soit-il. Et pourtant, malgré un rejet virulent et généralisé, la magie à quand même opéré ! Comme les Midnight Movies en leur temps, il a réussi à devenir culte après avoir fait le tour des festivals et des cinémas d’art et d’essai, notamment grâce à une poignée d’aficionados qui l’ont défendu becs et ongles contre la critique, au point de toucher, d’émouvoir, de rabrouer une bonne partie du public, réfractaire jusque-là, et créer une émulsion phénoménale autour d’un soit-disant brûlot pelliculaire. Rien que pour cette raison, cette aventure humaine, Liquid Sky mérite largement 1h58 de votre temps à défaut de votre affection.


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AnarchikHead
7
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le 23 oct. 2016

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