Ah, ça fait du bien de voir que cet été maussade, dans nos contrées, a vu sa programmation cinématographique remplie de comédies sympathiques indépendantes. Je pense à La part des Anges ou Starbuck. Mais Magic Mike est vraiment celle qui m'a le plus convaincu. On a tout un tas de qualités, parfois rabaissés par quelques défauts standards mais on lui en voudra pas et on retiendra un film au scénario qui ne laissait absolument pas présager une telle sensation.

Et pourtant avec Steven Soderbergh à la caméra, je me disais que l'académisme n'était pas trop loin. Faut dire qu'avec ses dernières productions (le tout juste correct Contagion et le détestable Piégée), je m’inquiétais de voir ce constat : Et si Steven était sur une pente descendante ? En fait, il est juste dans une période de production imparfaite où il n'arrivera plus à réaliser des oeuvres intemporelles, seulement quelques films bien fichus où sa qualité de faiseur divertira le temps d'un été.

C'est fou ça quand même. Tout ça est parti d'une discussion sur le tournage de Piégée entre Channing Tatum & Steven Soderbergh. Une récit simple finalement mais qui s'attache à traiter davantage de problème que ne le montre la bande annonce. Clairement destiné aux femmes, ce film n'est pas pour autant un pêché mignon de nana. Je le vois comme un bon film de fêtard, comme un bon récit qui évoque des problèmes d'amours, de crise économique et de questions sur sa situation à 30 ans. Difficile de vouloir affirmer qu'on peut être strip-teaser toute sa vie. C'est pourtant ce que tous les membres du show essayent de se convaincre implicitement. C'est beau de faire la fête comme des malades mais tout cela s'arrêtera au moment où le temps passé se remarquera sur votre physique. Vaut-il mieux profiter alors de l'instant présent ou se préparer à l'avenir ? C'est le cas de Magic Mike. Mais quand bien même il s'attache à se programmer un futur professionnel, c'est les banques qui le renvoie à sa condition; fêtarde à court terme, minable sur le long terme.

C'est pas plus compliqué, si la crise a changé la donne, ce n'est pas pour tout le monde. Certainement pas pour ces foules de filles venues dépenser de l'argent à ne plus savoir quoi en faire alors qu'à l'inverse nos danseurs se contentent de cela et en profitent à fond. Ces danseurs qui ont tous leur personnalité et leur spécialité. Alex Pettyfer dit le Kid y voit son Meilleur Rôle au cinéma tandis que Matthew McConaughey confirme sa polyvalence aujourd'hui. Certainement le plus charismatique et opportuniste des danseurs. Le vieux sage en quelque sorte. Les amateurs des Experts et True Blood reconnaîtront des têtes tandis que les amateurs de catch se surprendront à croiser Tarzan, alias Kevin Nash. Magic Mike est le leader de ces fous furieux. Leader de cette bande de malade qui vous épatera sur scène. Même en tant qu'homme viril, on ne peut nier la prestance artistique de ces gars et des shows époustouflants qu'ils proposent. Les chorégraphies sont géniallissimes et la BO ajoute une plus-value à ces chorés, donnant au film un rythme infernal qui s'évertue à pousser toujours plus loin les limites du strip.

Au-delà d'un film qui pourrait paraître juste divertissant, on sent une patte indépendante qui donne un autre cachet au sujet. Il y a un arrière-plan constitué d'histoires d'amour. Et finalement c'est intéressant, car le statut de Magic Mike lui empêche d'avoir toute relation sérieuse. Les filles veulent se le taper pour son corps. Pas pour son charme, son intelligence, ses projets, son humour, non juste son corps et sa queue, le reste elles n'en ont rien à foutre. Preuve en est avec cette étudiante en Psychologie qui lui répond clairement "T'es une vraie pipelette" Logique pour une Psycho. Et finalement, avec ce manque de considération, il s'enfonce dans sa situation avec ces fêtes extrêmes où toutes sortes de drogues s'y mêlent. Avec ce petit côté trip façon Requiem for a Dream et ses conséquences chaotiques, le film pousse même ses qualités à tenter des trucs expérimentales sur la mise en scène, toujours associée à une BO au top. La relation qui mue Magic Mike avec la soeur du Kid pourra sembler peu crédible, digne d'un scénario de cinéma où l'amour est toujours plus simple qu'en réalité. Mais y'a des choses intéressantes à en tirer, notamment sur leur mode de vie respectif.

Finalement, Magic Mike est un mélange de genre. Comédie, Drug Movie, Romance, Danse, le tout sous la forme indépendante. Un pari réussi pour un sujet qui finalement est plus fictif (d'après les dires de Channing Tatum) que la réalité. C'est peut-être ça un bon divertissement, et le cinéma en général : Ne pas s'attacher à décrire plan par plan la réalité mais proposer une oeuvre rythmée, innovante et jamais redondante. Après tout, le cinéma est une vitrine que l'on modifie à sa guise selon les époques et les tendances. Bien joué Steven, essaye de terminer ta carrière sur ce genre de coup d'essai, histoire qu'on n'associe pas ton nom au conformisme dont tu as fait preuve ces dernières années.
Softon
8
Écrit par

Créée

le 20 nov. 2012

Critique lue 305 fois

2 j'aime

Kévin List

Écrit par

Critique lue 305 fois

2

D'autres avis sur Magic Mike

Magic Mike
Sharpshooter
5

Manifeste pour un Soderbergh sans filtre

Magic Mike n'est pas en soi un mauvais film. C'est même l'un des meilleurs de la part d'un Soderbergh qui commençait gentiment à se muer en quasi-arnaque ces derniers temps après le surestimé The...

le 14 août 2012

26 j'aime

4

Magic Mike
Gand-Alf
6

Boys Boys Boys !

Roi d'Hollywood le temps d'une poignée de succès mérités, Steven Soderbergh ne surprend plus grand monde depuis belle lurette, en témoigne une filmographie aussi épaisse que bancale. Au milieu de...

le 25 mai 2013

25 j'aime

12

Magic Mike
Joyce
4

Critique de Magic Mike par Joyce

Magic Mike commence plutôt correctement mais je me suis vite interrogée (et à juste titre) sur la teneur de ce film. Le sujet est traité superficiellement, les personnages auraient pu être exploités...

le 22 août 2012

17 j'aime

Du même critique

The Big Short - Le Casse du siècle
Softon
8

De l'art d'être un visionnaire sans scrupules

Avant d’être le film d’un cinéaste et d’une distribution cinq étoiles, The Big Short : Le Casse du siècle est avant tout le film d’un auteur : Michael Lewis. Il est à l’origine du roman The Big Short...

le 27 nov. 2015

72 j'aime

6

Juste la fin du monde
Softon
2

Juste la fin du petit génie ?

Deux ans après le bouleversant Mommy et un Prix du Jury (mais une Palme d’Or logique pour tout le monde), Xavier Dolan retrouve le tapis rouge du Festival de Cannes accompagné d’un casting...

le 16 sept. 2016

59 j'aime

6

Conjuring - Les Dossiers Warren
Softon
6

Les Warren : Acte III

Grâce à leur statut authentique, validé lui-même par le Vatican, et la réputation des affaires qu'ils ont traité, Ed et Lorraine Warren, et plus particulièrement leurs cas sont devenus une source...

le 13 août 2013

45 j'aime

2