Cela faisait très longtemps que je ne l'avais vu et j'ai été surpris par le plaisir tout bête, presque enfantin que j'ai éprouvé devant un objet cinématographique d'une très grande lucidité graphique. Oula, quel verbiage! Mais je m'explique.

Le film est comme un gros paquet de bonbons sucrés, accumulant les séquences spectaculaires, les décors et l'imagerie festoyante "cool" des années 90, dans une sorte de kaléidoscope clins d'oeil cinéphile (Alien, Terminator, Leone, Scott, Cameron, Woo, etc.). Et c'est bien agréable, vivant, goûtu.

Le seul danger de ce film est dans le regard du spectateur : il ne faut surtout pas prendre au sérieux cet amas hétéroclite de salmigondis pseudo philosophique sur la réalité, empêtré de discours politique conspirationniste sur la liberté, sur la conscience, sur la propriété, sur lequel vient s'agglutiner toute une symbolique religieuse christique. On amalgame tout cela, on forme un gloubiboulga qui n'a strictement rien de subtil et donc totalement insensé.

Mais on s'en fout. Car l'habillage romantique et magique à la fois de cet ersatz de philosophie technologique forme un canevas prodigieusement jubilatoire pour les Wachowski (Bro&"Sis"). Et par effet domino pour le spectateur. Ils construisent tout leur appareil scénique autour de ça et créent un film bien gaulé. L'esthétique très marquée par les années 90 imprègne chaque plan.

Je l'ai vu en dvd mais j'ai bien envie de voir ce que le blu-ray peut offrir en terme de détails, de textures et surtout de couleurs. La photographie verdâtre de Bill Pope semble très étudiée, humide, verte et noire, ténébreuse, métallique et plastique à la fois, rock'n roll en somme. On pense aussi à Carpenter (tiens, je l'avais oublié dans ma liste tout là haut).

Dans ce cadre singulier, le film reste précis et nous pouvons alors nous engouffrer sur une voie toute consacrée au plaisir visuel. L'histoire n'a pas grande importance. Elle n'est que prétexte au suspense, à la tension, à l'explosion, à la chorégraphie de cette "geste" que la résistance développe contre la Matrice, avec suffisamment de flamboyance pour communiquer une joie enfantine, bigjimesque. Le film est pour moi un jouet aux formes rassurantes, aux vertus aussi futiles qu'efficaces. On baigne ici dans une sorte de paradoxe finalement un peu régressif. J'ai véritablement pris mon pied en souriant à toutes ces facéties qui laissent deviner un réel amour du cinéma populaire de la part des Wachowski.

Ce petit bonheur tout simple est sans grande conséquence, il fait partie de ces petits films sans prétention, mais faits avec rigueur, des films qui font aimer le cinéma de genre.
Alligator
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le 26 mai 2013

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Alligator

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