On ne va pas revenir sur le phénomène littéraire qu'a été la surestimée trilogie Millenium qui a engendré comme tout livre à succès une adaptation au cinéma qui, une fois n'est pas coutume, a été produite dans la patrie d'origine de l'œuvre. Toutefois, au vu du succès mondial du matériau d'origine, il était impensable que les américains ne s'en emparent pas et c'est donc logiquement que Sony a annoncé la mise en chantier d'une adaptation made in Hollywood du premier tome (de très loin, le meilleur !) dès 2009.
D'ordinaire, je suis prompt à dénoncer l'impérialisme cinématographique des USA qui consiste à s'approprier une œuvre étrangère pour la massacrer allégrement sauf qu'ici, on note deux raisons de ne pas descendre l'entreprise : la première est relative à la médiocrité d'une adaptation Suédoise qui n'avait absolument rien de transcendant si ce n'est la révélation d'une actrice formidable et une (trop) grande fidélité au bouquin afin de caresser les fans de le sens du poil.
La deuxième raison est évidemment la présence du génial David Fincher à la réalisation, la rencontre entre la noirceur de son univers et celle du bouquin de Stieg Larson s'avérant logique et des plus excitantes !

Dès l'hallucinant générique de début (un brin survolté mais qui figure parfaitement l'univers de l'œuvre) on constate que Fincher s'est pleinement approprié l'atmosphère sombre et dérangeante de l'œuvre originelle. La production américaine ayant fait le choix payant de tourner intégralement en Suède, cette adaptation a conservé toute la froideur nordique des bouquins et propose des décors qui, sublimés par la HD et la maestria formelle de Fincher, en restituent parfaitement l'ambiance.

Si la qualité du production design est à mettre au crédit des moyens de la production (90 millions de dollars de budget), c'est bien la présence de Fincher derrière la caméra qui établit la supériorité de la version américaine sur la version Suédoise.
En effet, non content de montrer une nouvelle fois sa virtuosité, ce dernier à parfaitement compris que 80 % de l'intérêt des romans résidaient dans un seul personnage : Lizbeth Salander. Le titre américain du métrage (The Girl With the Dragon Tatoo) est à ce titre révélateur du rôle central de ce petit bout de femme hors du commun, qui concentre toute la noirceur vénéneuse et l'ambiguïté de Millenium.
Conscient de cela, Fincher a trouver une nouvelle interprète parfaite (La révélation Rooney Mara n'a rien a envié à la pourtant troublante Noomi Rapace qui irradiait l'écran dans la version Suédoise) et entreprend de restituer tout ce qui fait le sel du personnage : de son apparence unique à ses accès de violence terrifiants en passant par ses dons de détective et de hacking quasi-surnaturels ainsi que par sa nature prédatrice, la dimension outrageusement sexuelle du personnage étant ici bien mieux exploitée que dans la première adaptation.
A ce titre, on est d'ailleurs ravi de voir un film américain qui ne fait aucune concession en matière de sexe et de violence explicite, Fincher n'hésitant pas à décupler l'impact des passages les plus malsains de l'œuvre que les lecteurs connaissent pourtant par cœur. On retiendra notamment la traumatisante scène de viol SM et le final dans le sous-sol, véritable monument de tension.

Le réalisateur fait également preuve de savoir-faire lorsqu'il s'agit de mettre en scène toute la partie investigation du récit qui est transcendée par un montage d'une maîtrise rare. Cependant, s ' il dynamise la narration, il ne parvient pas à éviter les longueurs inhérentes au matériau d'origine et force est de constater que l'ennui pointe parfois le bout de son nez. C'est d'ailleurs l'occasion de constater la grande fidélité de Millenium US vis-à-vis de l'œuvre originale (y compris pour ce qui est des défauts), les quelques petites trahisons (le sort d'Harriet Vanger) s'avérant judicieuses.
On louera aussi l'humanisation des protagonistes qui passe par des détails comme le traitement inédit de la relation entre Blomkvist (Daniel Craig impeccable) et sa fille où la touchante dernière scène rigoureusement fidèle au livre mais pourtant absente de la version Suédoise et qui confirme que Fincher a tout compris au personnage de Lizbeth Salander.

Au final, les défauts du film sont les mêmes que ceux des livres (les longueurs et personnellement, je n'en ai toujours rien à foutre de cette histoire de scandale financier) mais le travail d'adaptation des américains est globalement inattaquable : transcendé par la vision d'un grand cinéaste, Millenium US rend justice à l'œuvre de Stieg Larson et fait partie de ces films qui, à l'image de sa fascinante héroïne, vous hante longtemps après la projection.
Espérons que les éventuelles suites soient à la hauteur, ce qui est loin d'être gagné car si l'ensemble reste divertissant, j'ai trouvé que le récit imaginé par Larson virait souvent au grand n'importe quoi ! Souhaitons que Fincher reste attaché à la franchise et que le scénariste Steven Zaillian puisse mettre de l'ordre dans ce bordel narratif quitte à s'affranchir du matériau de base...
Diego290288
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le 22 janv. 2012

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Diego290288

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