C'est amusant, si on lit les critiques de ce film, de voir comme on s'emporte vite. Et, j'était prompt à faire de même, persuadé que désormais un film sur deux du vieux dépressif new-yorkais allait décevoir. Surtout, je suis de ceux qui supportent mal le côté carte postale de quoi que ce soit. De ceux qui adorent détester Paris, dont la simple lecture de l'expression "la plus belle ville du monde" fait hérisser le poil. Et bordel, ce film je le sentais venir de loin.
Amusant, donc, de voir que ce côté carte postale, petite évasion magique-slash-culturelle, semble concentrer l'attention de tous : et c'est ça qui en enchante certains, et agace les autres. On lit par exemple dans le magazine UGC Illimité (le "gratuit" des cinémas UGC) : "Cette comédie romanesque et onirique s'attache à défendre les charmes de l'imaginaires en opposition à la douleur de vivre." Oui, UGC Illimité est un torchon rédigé par des peignes culs, à qui la rédaction a certainement fait suivre un stage de management chez Disney, avec comme letmotiv : "N'oubliez-pas, nous vendons du rêve !"
La question est donc : comment a-t-on pu passer à ce point à côté d'un film ?
Reprenons. Ouverture du film que tous les connards aigris dans mon genre on certainement regardé d'un très mauvais oeil, s'amusant à repérer le nombre de noms de marques luxueuses (type Dior) qui apparaîtraient à l'écran. Accumulation de vues carte-postale d'un Paris idéalisé pour touristes étrangers. Détestable. Et pourtant. De suite s'en suit un dialogue qui vient souligner (et c'est dit mot à mot par la compagne du héros écrivain mélancolique) : "ceci est un fantasme." Et le film ne cesse de le rappeler, à mains endroits. On ne les voit pas, mais on en parle, il y a des bouchons et une putain de circulation merdique à Paris. Par exemple.
Mais, sans vouloir spoiler, il faudra souligner le dispositif malicieux du film, dont la clef de lecture est donnée dans une des scènes finales. Et qui dit tout du long : détrompe-toi, l'âge d'or (insérer ici époque et lieu selon son goût) dont tu rêves, il n'existe pas. Étonnamment, la force du film réside donc dans ce qui pourrait le rendre particulièrement agaçant : une accumulation de clichés (aux deux sens du terme), des vues idéales d'un beau Paris étincelant et romantique (qui, même si n'étant pas QUE ça, existe), des featurings à la pelle de stars bien de chez nous au top du glamour, et un beau name-dropping des grands noms de la culture ayant foulé les pavés de la capitale... Or, cette évocation d'un Paris fantasmée, poussée à son paroxysme, finit par être tellement grossière, qu'elle ne peut que se trahir, soulignant n'être qu'un mensonge.
Oui, il y a quelque chose du rêve, d'une envie d'évasion du temps T dans lequel le protagoniste (avec le spectateur) a malheureusement ses pieds. Oui, on sent bien que Woody s'est amusé à reconstituer un Paris imagé carton-pâte et pimpant. Mais s'il le fait, c'est tout autant pour légitimer ce besoin des êtres humains de se référer à ces âges d'or, que pour rappeler combien ils sont factices. Et donc de rappeler qu'il n'y a pas lieu de les préférer à la réalité et au temps auquel nous vivons.
Ma seconde question est alors : pourquoi, à deux, trois personnes près, les spectateurs semblent-ils se départager en deux catégories : celle qui adore le film pour son côté magique, la beauté de Paris et sa pléiade de stars, et celle qui déteste le film pour ces mêmes raisons ? passant systématiquement à côté d'un discours pourtant explicitement dit texto ?

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le 24 mai 2011

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colville

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