Vàclav Vorlíček ? L’édition de quelques-uns de ses films en DVD est une vraie bonne nouvelle. Et pourtant, aucune note attribuée à ce film avant la mienne, alors que la popularité de Vorlíček a dépassé les frontières de ce qui s’appelait alors la Tchécoslovaquie. De plus, sa filmographie conséquente laisse espérer la redécouverte d’autres perles.

Le film date de 1971, cela se sent dans les looks et les décors. Vorlíček se montre un inconditionnel du bricolage maison pour ses effets, ce qui ne l’empêche pas de réaliser un film soigné.

Le générique de plus de 2 minutes montre (avec arrêts sur images) un certain nombre des situations burlesques qu’on verra dans le film, pendant qu’une chanson répète, avec quelques variations, les paroles (voix nasillarde et accent tchèque inimitable) « Monsieur, vous êtes veuve, et les gens responsables trouvent cela incroyable de faire ainsi peau neuve. C’est écrit dans les étoiles, ... » Générique astucieux à l’image de tout le film et du titre qui annonce la couleur d’emblée, alors que le spectateur aura néanmoins de quoi être sidéré. L’astuce de Vorlíček, c’est que son personnage principal, Stuart Hample (Jirí Hrzán) est astrologue dans un pays indéfini gouverné par le roi Rosebud IV. Consulté par ce dernier, Hample interroge les astres et découvre qu’il doit être veuve deux fois ! Cette étrange prédiction, Vorlíček s’amuse tout le long du film à montrer son accomplissement.
Autant dire que l’enchainement de circonstances imaginées par Vorlíček est complètement délirant. C’est tellement loufoque qu’il utilise un moyen permettant au spectateur de ne pas perdre le fil du récit. En cinéaste intelligent, il donne un léger bégaiement à Hample. Autant dire que Hample comme le spectateur vont de surprise en surprise.

Le royaume compte un chirurgien aux capacités étonnantes. Encore une fois, Vorlíček ne cherche pas à éblouir par du fantastique qui serait en avance sur son temps. Non, il bricole et s’amuse (une sorte de sarcophage, de la lumière et de la fumée ainsi que de la pâte et quelques accessoires de boucherie, etc.) Tout cela lui permet de mettre en scène de manière réaliste des scènes où l’humour noir côtoie le burlesque. Là où il faut le suivre, c’est dans sa façon de faire progresser son récit, parce que c’est parfois tellement incongru (voire tordu) que lorsqu’il pratique l’ellipse, le spectateur peut être déstabilisé quelques secondes. On s’habitue et on apprécie, parce que la logique apparaît et qu’il est bon de découvrir le savoir-faire d’un réalisateur à la fois talentueux et franchement original. L’univers très particulier de Vorlíček ne doit rien à personne, à part l’ensemble de son équipe (Milos Macourek son coscénariste, techniciens et acteurs). Pour son côté bricoleur, je dirais que le français Michel Gondry est le digne héritier de cette façon de faire.

Le tout début se passe à l’aéroport. Tout le monde est très sérieux, car le roi Rosebud IV attend la venue d’Oscar XV. Rosebud IV est plutôt grand, tête nue cheveux blancs, lunettes et costume, un look typique de fonctionnaire de l’époque. Oscar XV est au contraire en vêtement militaire avec décorations. Par contre il est bien plus petit, ce qui donne déjà une accolade particulière. Rosebud IV s’est montré désagréable avec son chef du protocole. Et puis, un officier salue plus que maladroitement avec son sabre ! Cet officier est Bobo (Jan Libícek) le meilleur ami de Hample. Bobo va se retrouver éjecté de l’armée (refrain menaçant de ceux qui ont de l’autorité « Vous voulez que je fasse de vous un chômeur ? » A l’aéroport, le roi a présenté à Oscar IV l’industriel Keletti et sa femme Evelyne (Eva Janzurová) la célèbre actrice.

Mécontent de l’accueil réservé à Oscar XV, le roi veut dissoudre son armée. Les militaires réagissent et cherchent quelqu’un pour exécuter le roi. A la tête des conspirateurs, le général Otis. Ces messieurs vont dégoter une femme qui n’a pas froid aux yeux et qui est condamnée par la maladie. Mais, comment approcher le roi ? C’est alors que les cerveaux s’emballent…

Dans ce film, Vorlíček ironise sur le pouvoir, l’identité sexuelle, les relations homme/femmes, etc. Il se montre à l’aise dans bien des domaines : les références qui tombent de manière inattendue, des noms anglo-saxons incongrus, de l’ironie dans les dialogues, des péripéties abracadabrantesques et des situations incroyables qui s’enchainent sur un rythme qui ne se dément jamais. Il faut voir par exemple comment Vorlíček détourne la situation romantique par excellence du baiser réveillant la belle au bois dormant. Irrésistible !
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le 4 mars 2013

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