Moonrise Kingdom par Hugo Harnois
Film ayant été choisi pour faire l'ouverture du 65ème Festival de Cannes, Moonrise Kingdom est le dernier bébé d'un cinéaste atypique en devenir : Wes Anderson. Atypique car ses œuvres sont reconnaissables parmi des centaines d'autres, en jouant la carte d'un cinéma poétique et décalé.
Nous sommes en 1965, perdus sur une île de la Nouvelle-Angleterre. Sam et Suzy, deux enfants de douze ans, ont un point commun fondamental : ils sont asociaux et rejetés de tous. Tombant amoureux l'un de l'autre, ils décident de fuguer pour faire leur vie ensemble.
D'après ce point de départ, Anderson va créer un florilège de personnages tous plus loufoques les uns que les autres avec un casting quatre étoiles. Un policier triste et taciturne (beau rôle de Bruce Willis), un chef de troupe gentil mais un peu simplet (Norton tordant) ou l'assistance sociale (Tilda Swinton, brève mais toujours impeccable) aussi froide que la glace participent clairement à la réussite du film.
Outre cet aspect, c'est bien la mise en scène qui fait tout le charme et la singularité de Moonrise Kingdom. Des mouvements de caméras brutes, constamment verticaux ou horizontaux, et se penchant sur des décors ultra géométriques (souvent même symétriques) s'opposent de brillante manière à l'ardeur et la fougue de la jeunesse. Car nous assistons bien ici à un hymne à l'enfance et à la joie de l'innocence. Face à des parents absents (Bill Murray, une nouvelle fois dans son monde), Sam et Suzy prennent le contrôle de leurs vies de manière sensible et poétique.
Le défaut du film se trouve peut-être du côté de l'émotion. Avec un univers très graphique (rappelant les antécédents d'Anderson avec Fantastic Mr. Fox) où des couleurs comme le vert et le jaune immergent l'écran, il est difficile d'avoir de l'empathie pour ces deux gamins à problème. Le récit, finalement assez basique, ne nous touche pas comme il aurait pu le faire, si la forme n'avait pas pris l'ascendant sur le fond.
Quoi qu'il en soit, Moonrise Kingdom reste un film qui a le mérite d'avoir son propre style, où le cinéaste confirme, au fil de ses créations, qu'il est un auteur à part entière.