"Il disait préférer le mot mélancolique au mot nostalgique"
"Oslo, 31 août" est un film d'une grande mélancolie. Mélancolique, à l'image de son protagoniste, dont la tourmente et la sensibilité à fleur de peau sont palpables à chaque instant. Anders est rongé par ses déboires passés, dévasté par sa toxicomanie récemment éteinte, et par un tas d'autres éléments gravitant autour de ce point clé. Une machine à échecs, c'est ainsi qu'il se voit. Sentimentalement. Professionnellement. Artistiquement. Culturellement. Socialement. Pourtant, en chacun de ces points, le spectateur lui trouvera, d'un regard extérieur, de vraies qualités (il attise la curiosité de l'éditeur, joue relativement bien du piano, est à l'écoute et respectueux de ses amis...). Mais il n'en est rien à travers son prisme.
La ville d'Oslo a également ce parfum de mélancolie, et même au delà de ça, quelque chose à la limite du cafardeux. Pas le cafardeux glauque et sombre, non. Quelque chose de bien plus discret, et pourtant de trèèèès déprimant. Quelque chose d'inscrit au fond de lui, et qui déteint sur tout alentour. Et quelque chose qui a fait écho en moi, que j'ai eu la sensation de connaitre. Ces échantillons de matinées à Oslo. Ce ciel bleu clair, ce soleil matinal, ces rideaux mi-clos, ce printemps frais, ces commerces qui ouvrent... Mais... Ce quelque chose qui reste éteint chez Anders pour qui jamais l'étincelle ne survient. Jamais un éclair de joie ne prend réellement le dessus. Il y a des sourires, avec son ami, ces gens autour de lui au café... Et pourtant, cette couche de glace impossible à traverser.
"Il disait préférer le mot mélancolique au mot nostalgique". C'est ce que dit l'une des voix féminines au début, dans ces premières minutes de souvenirs entremêlés (pendant lesquelles j'ai compris que j'allais aimer ce film...).
Et c'est vrai. Anders préfère la mélancolie à la nostalgie, parce que cette dernière le tue à petit feu. Parce qu'il a la sensation d'avoir raté les choses quand elles auraient pu se passer. Parce que cette Iselin, il l'aime encore terriblement... Parce que l'héroïne et l'alcool ne sont pas encore vraiment des ennemis du passé. Parce qu'il sent que tout ce qui aurait pu lui redonner un équilibre sur cette corde tendue qu'est la vie lui est passé sous le nez. Et que ce n'est que vainement, dans sa chute, qu'il tentera de s'y agripper.
Cette chute, pour moi, c'est le dernier tiers du film pendant lequel Anders jette l'éponge malgré lui et multiplie les petits dérapages. Cette folle mais douce épopée nocturne, dans laquelle le bonheur va faire son apparition à travers la rencontre de la sublime Johanne Kjellevik Ledang. Un bonheur délicieux, mais illusoire comme il le sait. Et c'est ainsi qu'il s'éclipse finalement au petit matin pendant que les autres se baignent dans la piscine. Il ne lui reste bientôt plus qu'à conclure par l'ultime acte d'abandon qui constitue la scène finale du film.
"Oslo, 31 août" est un film touchant, tout en mesures, porté par d'excellents acteurs et une bande-son de grande qualité.