Jacques Tati est, selon moi, le cinéaste le plus adorable du cinéma français.
Adorable.
Quand je lis l'histoire terrible du tournage de Playtime, du désastre financier qui s'ensuivit, j'ai envie de prendre Tati dans mes bras, et qu'il me regarde de ses yeux de grand-père bienveillant. Je verrais dans son iris la fougue presque éteinte d'un vieux dragon qui a passé sa vie à tenter de s'adonner à son métier en dépit des difficultés presque insurmontable que cela a représenté.
Adorablement.

Alors, déjà, Playtime, quel titre !
Toute son oeuvre n'est qu'une cour de récréation géante, un prisme naïf sur le monde trop sérieux des adultes. Playtime, c'est l'invasion à grande échelle de l'enfance, de la joie, de l'imagination, d'une éphémère insouciance que Tati insuffle malgré lui au coeur d'un monde nauséeux, trop bien rangé.

La richesse des détails visuels est une chasse au trésor pour tout collectionneur de trait d'esprit qui se respecte.
Tati est un grand nom du cinéma burlesque, dans le sens qu'il l'a fait vivre, revivre, sans qu'aucune comparaison soit possible. Tati a un imaginaire simple, une ligne poétique qui tient en deux lignes et qui nous fait rêver au milieu de l'acier et des gras-de-ciel épuisants.

Ca, ce n'est qu'un point de vue de Playtime. On peut aussi voir la critique acerbe du modernisme, de la vie urbaine, du chauvinisme de ces habitants encadrés par une société ultra formatée... ainsi que la libération de cette ville suffocante par un regard nouveau sur le monde.

Le film est tellement généreux dans ce qu'il a à nous donner (des plans où cohabitent cinq gags simultanés dans les quatre coins de l'image, c'est que dans Playtime qu'on voit ça) qu'il faut le revoir une bonne dizaine de fois pour commencer à l'apprivoiser. Et même alors, on est ému de tant de générosité, de maîtrise absolue dans son oeuvre, et d'amour de la part de Tati.

Playtime démarre dans des tons très gris, puis se colore au fur et à mesure que l'ordre se détraque. Avant de voir Playtime, c'est simple, on vit en noir et blanc. Après Playtime, la vie devient couleur, joie et allégresse.

Tati disait que le vrai film commençait lorsque les gens sortaient de la salle de cinéma.
Eh ben c'est bien vrai.

Anecdote : la seule fois où j'ai pu avoir la chance de voir ce film au cinéma, c'était à la Cinémathèque, et au bout de deux minutes, le son ne marche plus. On a pas pu voir Playtime. Mais on s'est bien marré quand même, car Tati l'aurait voulu.
Garfounkill
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le 10 juin 2011

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Garfounkill

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