Alien et Blade Runner figurent indéniablement au firmament des plus grands films de science-fiction de tous les temps. Avec ces deux films, Ridley Scott propose des histoires adultes dans des mondes visuellement envoûtants. 30 ans plus tard, après avoir prouvé qu'il pouvait porter à l'écran tous styles de récits (avec plus ou moins de succès), la question de son retour vers ce genre qu'il a marqué de son empreinte refait surface après le raz-de-marée Avatar. Et pour son retour, Ridley Scott voit grand. Initialement pensé comme un simple prequel d'Alien, Prometheus aborde finalement des sujets nettement plus ambitieux tels que l'origine de l'Homme, la création au sens large ou la présence d'êtres supérieurs dans l'univers (des dieux ?). Des thèmes proches de l'intemporel 2001 : L’Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick. Le film se penche donc sur le cas des ingénieurs, extraterrestres bâtisseurs de monde, déjà croisés sans le savoir dans Alien. Un projet alléchant qui promet une déferlante d'images fascinantes !


Et sur ce point, nous sommes gâtés. Autant appeler un chat un chat : le film est un chef-d’œuvre visuel. La photographie est somptueuse et les décors de la planète LV-223 renouent avec le style de H.R. Giger sans trop en abuser. Un concept-art imaginé par ce dernier pour la forteresse des Harkonnen dans le Dune avorté de Jodorowsky se retrouve même recyclé ici pour la pyramide explorée par nos héros (dont le concept, lui, vient du premier jet d'Alien de Dan O'Bannon et Ronald Shusset). Côté effets spéciaux, Ridley Scott privilégie les effets réels, créés sur le plateau, et ne fait intervenir les trucages numériques que lorsqu'il ne peut faire autrement. Le meilleur des deux mondes, en somme ! Et puis il y a la mise en scène fluide, spectaculaire et élégante. Ridley Scott n'a rien perdu de sa superbe et sait encore mettre en images des mondes imaginaires. On peine à se souvenir la dernière fois qu'un space opera nous a autant stimulé la rétine.


L'interprétation est solide, elle aussi, surtout en ce qui concerne Noomi Rapace et Michael Fassbender qui crèvent l'écran (littéralement dans la version 3D). Si la première nous rappelle forcément l'inoubliable Ripley, le second campe un androïde très différent d'Ash, Bishop et Call, ce qui évite des redondances dans la saga. Les deux têtes d'affiche ne doivent cependant pas éclipser les personnages de Charlize Theron (un glaçon, mais c'est justement là son rôle), Logan Marshall-Green, Idris Elba et Guy Pearce. Le reste du casting se fait timide mais avec 17 membres d'équipage, c'était à prévoir. Le travail de caractérisation n'est pas aussi réussi que dans Alien et Aliens mais les personnages principaux sont suffisamment convaincants pour susciter l'empathie du public.


Et le scénario dans tout ça ? Disons que c'est là qu'il faut choisir votre camp. Honnêtement, passé la déception relative du manque de connexion avec Alien (pas la même planète, pas le même vaisseau...), on se laisse happer par cet univers et sa richesse. Certes, le xénomorphe n'est pas présent (vraiment ?) mais doit-on le regretter ? En quatre films, tout à été dit à son sujet. On l'a même épuisé jusqu'à la corde en le confrontant au Predator dans deux films de sinistres réputations. N'était-il pas plus intéressant de se focaliser, le temps d'un film, sur le space jockey dont on ne faisait que croiser le chemin dans Alien ? L'approche de Ridley Scott permet de revigorer une saga emblématique tout en abordant des questions d'ordre philosophique, somme toute classiques pour de la SF, mais indéniablement stimulantes. On est pas si loin d'un film de la trempe de Planète Interdite ! Il est aussi vrai que, bien souvent, le film lance des pistes et laisse le spectateur remplir les blancs par le biais de son imagination. Problème d'intrigue lacunaire ? En partie. Cependant, des films comme 2001... ou Blade Runner nous ont prouvé que laisser des questions en suspens permettait de capter l'imagination des spectateurs sur plusieurs générations. Il ne faut pas non plus oublier que Prometheus traite de la foi. Tout le récit repose sur cette phrase prononcée par Noomi Rapace en début de métrage : "C'est ce que j'ai choisi de croire." A nous de nous faire notre propre opinion en recoupant les indices disséminés dans ce monde étrange. Seul le temps nous offrira le recul nécessaire pour apprécier Prometheus à sa juste valeur. Reconnaissons tout de même que son scénario n'est pas exempt de défauts et aurait mérité une révision supplémentaire.


Vrai-faux blockbuster, Prometheus est bien plus intéressant si l'on débat sur les idées qu'il véhicule plutôt que sur ses raccourcis scénaristiques. S'il a la saveur des grands classiques des années 70/80, il peine à se fondre dans le cinéma de science-fiction contemporain malgré une maîtrise technique étourdissante. Quoiqu'il en soit, Ridley Scott n'a pas à rougir de son film qui rentre dans le club très fermé des prequels réussis. Peut-on en dire autant de La Menace fantôme ?

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le 8 oct. 2012

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MajorTom

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