On part de trop loin pour que la réputation de « meilleur film de Uwe Boll » suffise à garantir un produit tenant debout. Connu grâce à ses adaptations de jeu vidéo cyniques et bâclées (House of the dead, Alone in the Dark), ce réalisateur allemand très productif a commencé à retourner l'opinion avec Postal. Cette comédie 'politiquement incorrecte' sortie en 2007 amena de nombreux nanardophiles à réviser leurs jugements sur Uwe Boll le naveteux sorti de l'ombre. Deux ans plus tard sort donc l'un des rares films d'Uwe Boll dont les notes générales se situent autour de la moyenne.


Le saut qualitatif est impressionnant, dans la forme et surtout dans le propos. D'un point de vue plastique, la chose est franchement laide, mais des idées de mise en scène, quelques intuitions esthétiques acérées, sont présentes. Le recours à la caméra portée est lourdement appuyé et sans grand relief, mais quelques scènes sont percutantes, comme le passage au casino avec les seniors. Sur le fond il n'y a aucune révélation, mais Uwe Boll arrive à leurrer un certain génie et à remuer des questionnements intenses. L'ado potache de Postal est devenu sujet social amer, la rage est toujours puérile mais l'agressivité est frontale, les cibles et les motivations ne sont plus du domaine de la farce. Comme dans ce dernier toutefois, il est question de spree killing.


Le tueur est un jeune adulte vivant encore chez ses parents, socialement apathique, sans études ni travail. Uwe Boll en dresse un portrait peu flatteur mais pour lequel il éprouve manifestement de la sympathie ; d'ailleurs, dès Amoklauf (premier film de Boll, produit typique du glauque allemand) il nous invitait dans l'antre d'un exclu (franchement médiocre celui-là) passant aux armes à force d'ennui et de gaspillage. Dans Rampage, c'est plus ambitieux. Bill (Brendan Flentcher) est un agressif borné (il s'embrouille pour des peccadilles), assommé par un déluge d'informations contradictoires et d'incantations vaporeuses. Face aux troubles de son temps, il a son remède, nihiliste : buter tout le monde, indifféremment, mais avec un peu de logique.


Il vise bien et même sensé à l'occasion, passe à la banque pour cramer de l'argent devant des témoins de la vérité qu'il épargne, contrairement à toutes ces mégères agaçantes qu'il abat sans états d'âme. Et surtout il dégomme son 'pote' pour le final : l'idéaliste « aux grands discours » va trouver une sortie à la mesure de ses besoins d'exaltation. Ces connards révoltés n'agissent jamais, c'est tout le problème ; Bill est peut-être un « produit de la société de consommation » (accusation incontournable de son 'ami') mais au moins son cynisme est conséquent. Il n'a pas d'idéologie ou de langage complexe ; il rejette l'égalité, simplement, lui le frustré socialement inepte et intellectuellement primaire.


Dans ses vidéos, il explique qu'il va faire le ménage, le justifie laconiquement, revendique presque de passer au massacre pour en tirer une jouissance de prédateur. Il n'est pas là pour donner des solutions constructives, parce qu'il est trop tard et que ce serait vain de toutes façons. C'est bien un cynique et un 'psychopathe', tirant un intérêt double (pour le plaisir et pour les finances), vengeant ses frustrations 'concrètes' (sa place pourrie, son sentiment d'aliénation) non par sens de la mission, même s'il se plait à le présenter ainsi et que son monde lui donne matière à le faire. Bien qu'il manque d'approfondissement et soit sujet aux redites (voir aux copier-coller), cet opus assez captivant fait d'Uwe Boll un auteur pittoresque et non plus seulement une espèce de troll industrieux.


https://zogarok.wordpress.com/2015/11/15/rampage-sniper-en-liberte/

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le 14 août 2015

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Zogarok

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