Rebelle
6.3
Rebelle

Long-métrage d'animation de Mark Andrews, Brenda Chapman et Steve Purcell (2012)

Tout comme son héroïne, les ingrédients qui composent Rebelle le destinaient à une carrière aussi brillante que marquante : une rousse, le folklore écossais, une rousse, des paysages moussus, touffus et pentus, une rousse et une rousse. La brillance est bien là, avec la maîtrise technique de Pixar qui gifle en 3D une immense partie de la production actuelle en CG et parvient à humilier l'ensemble des films de cette année dans la catégorie avec un seul mouvement de bouclette. Les enfants/adolecents sont encore une fois les plus réussis, avec des regards d'une vivacité qui transperce et une chaleur dans l'émotion dégagée ; qui fait passer le brio du saisissement de ces instants humains bien devant la pure technologie. Le "mignon tout plein" court gaiement avec son pote le "top kawaï", le tout dans des décors magnifiques (mot pour une fois non galvaudé) qui hurlent la cornemuse, les vieux châteaux et les tourbières. Un vent d'humus et de grands espaces glacés qui n'appelle qu'une chose, l'aventure. Le problème c'est qu'elle ne répond jamais.

Et pourtant la jeune Merida à la crinière rougeoyante n'attend que ça se barrer dans les chemins et les sentiers à la recherche de la liberté que lui refusent ses parents, sa mère en particulier. Obligée de choisir entre trois prétendants pour son futur mariage plutôt que de pouvoir encore s'amuser avec son arc dans la forêt, la demoiselle va s'enfuir sur un coup de colère "passque personne me comprends quoi" et tomber sur la bicoque Disneyienne d'une vieille sorcière qui lui confie la possibilité de changer sa mère et donc sa destinée. Une lutte contre le destin et les impératifs d'une vie d'ado qui sont au centre du propos de Rebelle et qui en font une sorte de film générationnel plutôt intéressant sur ce point, mais qui s'arrêtent justement avant d'avoir donné une leçon. Pas une morale au sens stricte, mais une leçon de vie. Comme par exemple assumer ses choix. Bien évidemment, Merida regrette son égocentrisme quand la situation lui échappe, bien évidemment elle pleure à chaudes larmes afin de recoudre ce qu'elle a défait, mais sa souffrance n'est jamais ressenti comme profonde. Personne ne veut d'un film pour dépressif, mais risquer une guerre de clan, la mort de sa mère, de ses frères et la crédibilité de son royaume entier, est quand même un soupçon excessif pour une remise en question des obligations de son rang. D'autant qu'Elinor, sa mère, par qui la rebellion arrive, souhaite l'abolition des coutumes ancestrales mais ne parvient jamais à le faire entendre clairement. A part quand elle quitte par la force des choses et d'une malédiction son carquan étroit de reine pour laisser exploser ses vraies idées, pour le coup, VRAIMENT rebelles. La communication, l'absence de communication, des thèmes forts dans un long métrage pour jeune public, soutenus par une réfléxion plutôt bien vue sur le statut de la femme "enfermée". Alors, tout ça c'est bien joli, ça montre que Pixar a mûrement réfléchi la thématique de sa production, mais pourquoi, POURQUOI, ne pas avoir fait une vraie histoire autour ???

Mais que c'est plat ! Et pour un film à la fois montagneux et Nietzschéen c'est le comble. Tout le background est expédié, aucun rite de passage, aucun but mythologique, philosophique à atteindre, rien. La légende de l'ancien royaume, 4 plans et c'est terminé. Le bestiaire écossais, 1 feu-follet, 1 sorcière et merci, c'est gentil d'être passé. Les cavalcades arc à la main sont présentes, tout comme quelques duels habillant la fin du film, mais aucun souffle, jamais. Pixar donne vraiment le sentiment d'avoir ancré cette histoire dans ce contexte pour un simple trip visuel sans aucune justification. L'Ecosse fantasmée, avec ses paysages solitaires et bruts, n'est suggérée que dans la superbe introduction, quelques morceaux éparses situant les lieux, mettant une gentille claque et s'éteignant pour placer l'aventure dans 50 m². Si la volonté de Mark Andrews est de communiquer au spectateur l'envie d'éclater les limites de son éventail de liberté qui anime Mérida, c'est gagné. Sinon c'est simplement que le film manque énormément de rythme et ne va que rarement au bout de ce qu'il lance. Même à grands renforts de très beaux thèmes musicaux typés celtiques. Pour économiser du temps de cerveau disponible, disons qu'il est très possible de se faire un peu chier. Rebelle n'est pas un mauvais film, mais est juste très mal raconté, ce qui est étonne d'autant plus de la part de Pixar, réputé entre autres pour l'inventivité et la facilité à captiver de ses projets.

En revanche, pris du point de vue d'Elinor, Rebelle se tient bien plus fièrement, le poing de l'indignation levé. Non que cela change les carences du scénario ou de la construction, mais voilà une héroïne forte, qui même en se perdant dans une violence animale, continue à aimer les siens, à les protéger et à se sacrifier. Elle passe les erreurs de sa fille un peu relou, les accepte, assume ses propres erreurs, ELLE, et surtout réagit sans lâcher prise honteusement. Et il y avait pourtant de quoi. C'est ici que se niche la maturité. Dans le fait de réparer et de ne pas abandonner, de se lever, de combattre, de prendre sa vie à bras-le-corps sans pour autant crâcher sur la difficulté, sur ses acquis ou sur sa situation. Mais ça il faut être adulte pour le comprendre, et les adultes s'embêtent pas mal devant Rebelle. Si toi, ou toi, tu as moins de 10 ans, tu peux mettre 8/10. Pourtant tu risques aussi de ne pas t'en souvenir longtemps. Car pas de Woody, pas de Sulli, mais une Mérida dont tu seras amoureux, qui te donnera l'envie de voler de tes propres ailes, sans pour autant construire un joli imaginaire. C'est là qu'était attendu Pixar.
Killywan
5
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le 5 août 2012

Modifiée

le 6 août 2012

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Killywan

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