Ancienne critique :


Pas grand chose d'original à dire. On répète alors : film noir efficace, réalisation de Lang bandante. Quel réalisateur tout de même! Admiratif je suis.


Je ne suis pas un fan de Glenn Ford. Sa tête ne me revient pas. J'ai envie de lui mettre des claques je ne sais pas pourquoi (Errol Flynn style?). Cependant il m'a bien plu dans ce film. Son personnage en prend plein la tête et il arrive bien à montrer la cocotte minute qui commence à siffler dans un simple regard. Je reconnais qu'il sert bien son personnage.


J'ai bien aimé la prestation de madame Nicholas Ray, Gloria Grahame, que bella, sublime même brûlée, agile, enflammé et sexy en diable.


Lee Marvin encore, et toujours dans un rôle de sombre salop, avec une trogne pas possible et une présence physique indéniablement noire.


Nouvelle critique :


Ce Big Heat est souvent cité quand on évoque le genre du film noir. En règle générale, quand on parle de Fritz Lang, il n’est pas rare qu’il soit mentionné également. Bref, ce film est important. Et pourtant, à titre personnel, même si je l’aime bien pour toutes sortes de raisons que je vais énumérer et expliciter, il reste pour moi un peu mineur dans la filmographie de Lang. Il y a tellement de plus grands films de ce cinéaste!


Déjà, quant à parler de film noir, certes le film se pare de quelques atours du genre, mais il n’est pas aussi noir que la majorité. Surtout une fin pas véritablement malheureuse pour le héros principal me fait irrémédiablement tiquer à l’heure de l’estampiller “film noir”. La seule vraie héroïne “noir” est le personnage joué par Gloria Grahame. Celui de Glenn Ford connaît un passage difficile certes, un tourment qui est proche de le redéfinir en tant qu’être humain, de le faire basculer complètement, mais justement, il ne change pas, ne sombre pas, il tient bon. Or, un héros “noir” tombe, par définition. Bon, cessons ces bavardages au fond terribles de nullité. Les définitions n’ont guère d’intérêt en l’occurrence.


Ce qui compte ici, c’est l’histoire qu’on nous raconte et comment l’on distribue les cartes évidemment. D’abord, cette histoire est classique : un flic intègre est confronté à la pègre et aux flics corrompus, un Serpico avant l’heure en somme. Touché au plus profond, il garde son sang-froid, ainsi que ses principes moraux et parvient tout de même à aller au bout de sa quête aussi professionnelle que personnelle.


Lang utilise de grands acteurs pour incarner ce dilemme métaphysique, ces enjeux cruciaux. Le brave type qui reste perpétuellement droit dans ses bottes est joué par un Glenn Ford impressionnant. Ses marges de manœuvres sont courtes : il doit suggérer la colère la plus violente et dans le même temps la plus contenue. Tout est dans le regard, dans sa lipe furibarde et ses mâchoires serrées.


Face à lui, le portrait que dessine Gloria Grahame est comme souvent avec cette délicieuse actrice tout en subtilité. Elle incarne une jeune femme, d’abord légère, mais dont la trajectoire révèle beaucoup plus de nuances qu’on pouvait l’imaginer au départ. Elle subit les violences d’un Lee Marvin toujours aussi efficace dans l’abjection, la petitesse de son esprit malade. Mais dans la douleur, avec ce besoin évident de s’attacher, presque en midinette, aux hommes, dans une dépendance à laquelle elle ne peut pas échapper, elle trouve néanmoins une capacité de révolte, une force qui en fait une femme remarquable. Pas facile pour le spectateur de ne pas sentir l’emprise charmante de ce personnage attendrissant. La bouille à la fois sympathique et sensuelle de Gloria Grahame est attirante. Elle a du chien : on ne peut pas mieux justifier cette expression qu’avec cette superbe comédienne.


Dans le rôle majeur du bad-guy, Lee Marvin vole la vedette à Alexander Scourby qui pourtant devrait être son supérieur sur le papier. Marvin, je l’écrivais plus haut, a quelque chose de malsain, de pervers qui n'apparaît pas chez Alexander Scourby. Ce dernier incarne un parrain un peu pâlichon, et il n’est pas dur pour Marvin ou Ford de prendre le dessus en terme d’image et d’épaisseur. C’est dommage car cela atténue la puissance de la confrontation morale entre les deux hommes.


The big heat n’est pas si big que ça, mais hit par moments, grâce à une belle photo de Charles Lang (aucun lien de famille), adéquate sur les thèmes “noirs” et qui met bien en valeur l’expression contenue ou explosive des acteurs. L’ambiance développe avec aisance cette noirceur, ce côté délétère d’une société en crise, une société pas si parallèle que ça. Un bon petit Lang.
Captures et trombinoscope

Alligator
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le 21 sept. 2018

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