Voilà le premier film de Wes Anderson qui ne déclenche pas en moi les bulles d'effervescence enthousiastes habituelles.

Je ne sais pas trop pourquoi mais comme ça, de prime abord, je dirais que le personnage de Max Ficher ne me touche pas vraiment. Pourtant, il a tout pour plaire : une tête d'Harold Lloyd, une étrange façon d'aborder son existence, bizarrerie qui devrait être touchante, qui l'est systématiquement chez les personnages des autres films de Wes Anderson, mais là, il m'indispose. Je n'ai pas envie de dire qu'il m'énerve, cela ne va pas jusque là, mais je n'en suis pas loin. Sa ténacité apparaît d'abord comme une charmante incongruité, une distinction amusante, mais quand les événements se corsent, elle devient progressivement lassante, comme une sale obsession. De plus, d'habitude, j'aime bien Jason Schwartzman.
Heureusement, et là je retrouve l'humanisme de Wes Anderson, Max grandit et s'éloigne d'un égocentrisme qui le liait jusque là fortement à l'enfance, thématique chère au cinéaste. Bref, je devrais adorer ce film, mais je ne sais si c'est le personnage de Max ou l'acteur qui l'interprète, mais je reste plus attaché à ceux de Bill Murray et d'Olivia Williams. Ces deux là sont même excellents. Leur trouble devant la violence des sentiments de Max m'a semblé décrit avec beaucoup de finesse. Retenue, précision. Ils font preuve d'un grand talent.

Comme ce sont des qualités de jeu que l'on retrouve chez la plupart des comédiens de film en film avec Wes Anderson, le doute n'est plus permis : sa direction d'acteurs est très bonne, mettant en valeur les plus talentueux comédiens. À première vue, on pourrait croire qu'elle est un peu sèche, ou du moins minimaliste, mais cette impression est en trompe l'œil. J'aime beaucoup cette simplicité.

Du point de vue formel, on voit déjà dans ce 2ème film les procédés techniques sur lesquels Anderson va bâtir son univers visuel. Les travellings et les plans fixes soigneusement cadrés explorent le CinémaScope dans toutes sa "générosité", mais l'on sent également que le cinéaste n'a pas encore pris toutes ses aises avec le format. De même le travail sur les couleurs n'est pas aussi éclatant que dans ses prochains films. Un peu comme si Anderson n'était pas encore tout à fait libéré, par manque de confiance en lui même. Son style n'est pas totalement assumé bien que ses caractéristiques soient en partie déjà présentes.

Rushmore est par conséquent pour moi un bon film et non un très grand film. J'adore Wes Anderson, je suppose que si je l'avais découvert avec ce film-là, j'aurais été au mieux intrigué, mais guère secoué.
Alligator
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le 24 sept. 2014

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