Benicio del Toro mange ses sandwichs sans tomates

Ce titre fait écho à une scène amusante. Celle où Lado (alias del Toro), un tueur sauvage d'un cartel mexicain, s'introduit chez Dennis, un flic corrompu (alias Travolta), pour lui faire des menaces devant ses trois gamines. Dennis était en train de manger un sandwich fait maison. Il se le fait piquer gentiment par Lado, qui prend soin d'enlever les tomates de la garniture, avant de croquer dedans.
Une scène banale et inintéressante me direz-vous ? Pourtant cette action est filmée en gros plan par le réalisateur. Pourquoi ? Peut-être pour montrer que ce Lado est un être superficiel, sans goût. Un sale carnassier barbare qui n'hésite pas à couper la tête de prisonniers à la tronçonneuse, en portant un masque de squelette. Et peut-être pour montrer, au contraire, que Dennis se conforte dans sa maison luxueuse, à moitié payée par l'argent sale qu'il se fait en douce. Un matelas financier lui permettant de préparer des bons petits sandwichs dans son immense cuisine.

Voilà, l'essence même du dernier film d'Oliver Stone s'encre pleinement dans ce contexte sociétal : celui de la mafia, du luxe, de l'argent sale, de la violence et de la drogue. Des extrêmes opposés qui représentent si bien cet univers parallèle.

Oliver Stone n'échappe donc à aucun cliché du genre, mais il y apporte toutefois sa touche personnelle et son regard de réalisateur sulfureux.
Bon, papa Oliver s'est toutefois assagi. Il n'est plus aussi virulent et rentre-dedans, comme à l'époque de "Tueurs Nés" (son meilleur film, on ne va pas se mentir). Mais bon, le film commence sur une scène de baise plutôt bestiale, entre un ex-soldat d'Afghanistan et une belle blonde qui lui sert d'animal de compagnie. S'en suit une vidéo Internet, où l'on voit un mexicain d'un cartel puissant shooter au pied dans des têtes humaines fraîchement découpées. Et puis il y a une scène, la première apparition du señor Lado, l'Elvis mexicain (je fais bien sûr référence à sa coupe de cheveux), qui s'introduit chez un vendu pour lui péter les deux genoux, avant de le finir avec un headshot. Et après ça se calme considérablement, jusqu'à une scène de torture plutôt sanglante...

Il faut dire que "Savages" est une adaptation cinématographique d'un best-seller de Don Winslow. La particularité, et on peut dire l'originalité du scénario, tient donc du trio amoureux mettant en scène les trois personnages principaux de ce récit endiablé.
J'ai cité l'ex-marine et la blondinette tout à l'heure. Il me manquait Ben. Ce dernier est un botaniste hors pair, spécialisé dans l'humanitaire. Il voyage beaucoup. Mais il cultive aussi une marijuana au taux de THC le plus élevé des Etats-Unis. Un procédé rendu possible par l'élevage de graines importées directement d'Afghanistan, pays où Chon a creusé les cicatrices sur son visage.
Ophélia, alias "O", ne fait pas dans le trafic d'herbe quant à elle... Non, elle est plutôt spécialisée dans le trafic amoureux, se partageant le cœur et le corps des deux associés et amis.

Les trois tourtereaux évoluent donc à Long Beach. C'est l'océan, les plages, le soleil, l'alcool, le sexe, la jeunesse. Et puis en face il y a le Mexique. Là c'est les têtes barbues et balafrées, les tontons du crime, la crasse et le sang. Et quand ces deux mondes vont se rencontrer, pour une histoire de business illégal, cela va faire des étincelles.

C'est là que Stone passe à l'action, en faisant couler l’hémoglobine et en faisant parler la poudre et les injures. Mais l'ensemble est plutôt tiède, voir réchauffée. Ça tabasse certes, mais ça ne marque pas tant que ça. On retrouve l'insertion grossière du noir et blanc dans certains cadres et des solarisations de plans donnant un aspect crade au film. Mais bon, on n'est pas dans « Tueur Nés » non plus... Dès lors, ces effets stylistiques sonnent plus comme une auto-dédicace du réalisateur, plutôt qu'à une intention cinématographique justifiée.

Mais "Savages" régale par son casting et par la parfaite maîtrise de la direction générale. Le trio amoureux est sulfureux. Salma Hayek est terriblement sexy en chef de cartel capricieuse et torturée. Travolta s'éclate et nous régale en flic corrompu jusqu'aux os, mais qui n'est pas si con qu'il en à l'air. Et puis Benicio del Toro nous fait littéralement flipper en tueur sadique et démunie de toute morale.

Et puis il y a le contre-pied final qui est plutôt réussi. On s'offusque presque en voyant la première version de la double fin, tant le cliché et le stéréotype sont à l'honneur. Mais lorsqu'on apprend qu'il s'agissait en fait d'une imagerie de la narratrice "O" et que l'on découvre la vraie fin du film (qui est en fait plus "conne" que la précédente), on se dit que ce n'est pas si mal joué de la part d'Oliver Stone.
Théo-C
7
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le 25 févr. 2013

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