Critique : Savages (par Cineshow)

Deux ans après la version année 2000 de son Wall Street, un véritable coup d’épée dans l’eau, Oliver Stone revient du haut de ses 65 ans sur le devant de la scène avec Savages, un titre qui annonce la couleur et qui sonne comme le “vrai” retour de l’un des réalisateurs les plus écorchés vif qu’Hollywood a compté durant ses 30 dernières années. Car depuis bientôt 10 ans, l’homme avait enchaîné les déceptions et projets un peu bancals ne faisant plus vraiment d’une de ses sorties un véritable événement. Autant dire que nous n’attendions pas grand-chose de Savages, et c’est en cela que la surprise s’est révélée être vraiment de taille ! Et si le discours acéré et la hargne des années passées ne sont pas tout à fait revenus intacts, le film tire franchement du côté de l’ambiance euphorisante d’un Tueurs Nés (son meilleur film de notre point de vue) mixé à la sauce Tarantino pour un résultat clairement enthousiasmant. Sans être un coup de génie, Savages est un pur shoot décomplexé rappelant ses moments de gloire, pour notre plus grand plaisir !

Adapté du romain de Don Winslow datant d’à peine deux ans, Savages reprend l’une des thématiques chères au réalisateur, la vision de l’Amérique par le prisme californien et l’image de rêve qu’il renvoit. Tout démarre par la voix off de O (pour Ophélia – Blake Lively) qui évoque sa relation avec les deux amours de sa vie. L’un est anciens marines, l’autre est un petit génie en botanique aux aspirations écolo. Les deux ont monté l’une des plus grandes productions de marijuana grâce à un exceptionnel taux de THC présent dans leur fabrication. Un grain de sable dans la mécanique bien huilée du cartel Mexicain du coin dont la boss n’est autre que Salma Hayek, aidée par un Benicio Del Toro bedonnant et moustachu comme on ne l’avait pas vu depuis un baille. Après le refus de laisser le cartel mettre la main sur leur petit business, tout va évidemment partir en sucette jusqu’au kidnapping de la pierre angulaire du trio amoureux, O, par nos Mexicains pour mettre la pression et rafler l’affaire. Cette trame scénaristique qui n’a rien de sensationnelle sur le papier ou vraiment originale est surtout l’occasion pour Stone de revenir à son cinéma de prédilection, intense, sulfureux, violent et surtout cynique. Rappelant l’ambiance solarisée de Tueurs Nés et ses incrustations noir et blanc crasseuses tout en s’offrant des répliques dignes d’un Tarantino (qui lui avait offert le scénario de ce dernier), Savages est un mix assez jouissif des meilleurs recettes d’ailleurs pour apporter à cette histoire de dope, de flics, de mafia mais aussi d’amour un véritable cachet esthétique, aussi bien à l’oreille que visuel.

Et si l’ensemble fonctionne si bien, c’est non seulement du fait de Stone mais aussi de son casting choisi et dirigé à la perfection, où la jeune génération côtoie l’ancienne comme pour insuffler un choc électrique. D’un côté Aaron (Kick-Ass) Johnson méconnaissable accompagné par Taylor (John Carter) Lautner et Blake Lively, de l’autre Salma Ayek, Benicio Del Toro ou encore John Travolta. Et ces « sauvages » car il s’agit d’eux tourne assez vite au choc des générations au-delà de la confrontation entre « ptit jeunes » et le cartel historique. Les méthodes de production à la papa, même de la dope, ne fonctionnent plus, place au sang neuf et à la tornade électronique qui va avec. Sur le fond, tout cela reste assez anecdotique, et l’on suit davantage l’histoire pour elle-même que pour le second niveau de lecture bien moins évocateur que dans ses chefs d’œuvres historiques. Car derrière le nom Savages se cache en fin de compte nettement plus une comédie noire et délurée qu’un thriller décomplexé. En allant chercher ses personnages parmi les stéréotypes les plus évidents du monde, Stone ne pense pas à refléter la réalité mais bien à la caricaturer pour faire émerger sa mascarade sous acide qui se révélera lors d’un final improbable. Le réalisateur sexagénaire s’amuse avec les spectateurs et montre à l’instar de tout ce petit monde un peu fou qu’avec un peu d’esbroufe, de culot et de talent, on peut arriver à faire avaler n’importe quoi à n’importe qui. Une pirouette astucieuse pour parler du monde actuel et de la manipulation des masses qui vous suivent sans trop regarder dès l’instant que l’histoire est plus belle ici qu’ailleurs.

Malgré tout, n’attendez pas de Savages une vraie claque après après ces quelques lignes élogieuses. Même si le nouveau film de Stone se savoure tout particulièrement au regard de ses derniers oeuvres franchement moyennes, et montre à nouveau tout le potentiel du monsieur, il demeure un divertissement solide mais assez inoffensif après débroussaillage, comme si le réalisateur s’était résigné après tant d’années de combat. Il ne faudra pour autant pas bouder son plaisir, le montage électrique, l’ambiance cradingue, la violence réelle des images et surtout l’excellente direction générale suffisant à elles seules à se précipiter en salles. Le film regorge de séquences géniales entre les gunfights vénères, les tortures vraiment sales, les scènes de sexe endiablées et quelques joutes verbales exquises. Sur la forme, on aura que peu de chose à redire, Savages étant une injection d’euphorie sur-esthétisée, mais on ne pourra pas s’enlever de la tête qu’avec un peu plus de colère et d’esprit WTF le tout aurait pu être totalement fou, voire génial !
mcrucq
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 24 sept. 2012

Critique lue 465 fois

2 j'aime

Mathieu  CRUCQ

Écrit par

Critique lue 465 fois

2

D'autres avis sur Savages

Savages
Gand-Alf
4

Colombiana.

Je vais vraiment finir par croire qu'Oliver Stone est bien mort. Pas que le cinéaste ai été parfait dans le passé, loin de là, mais des films comme "Platoon", "The Doors" ou "Salvador", malgré leur...

le 1 oct. 2013

25 j'aime

1

Savages
cloneweb
6

Critique de Savages par cloneweb

Oliver Stone revient au cinéma avec un nouveau film. Oliver Stone. Platoon. Wall Street. Né un 4 juillet. JFK. Tueurs Nés. U-Turn. Autant de noms qui ravivent d’excellents souvenirs. Et puis un film...

le 12 sept. 2012

25 j'aime

3

Savages
MrCritik
9

Cool & the Gang

J'ai pas d'ordi, je suis dans le métro, mon stylo marche pas, donc j'attaque ma critique à l'iPhone (une première pour moi). Que de mauvaises critiques sur sens critique ! Même la critique positive...

le 3 oct. 2012

21 j'aime

16

Du même critique

Expendables 2 : Unité spéciale
mcrucq
8

Critique : Expendables 2 (par Cineshow)

Lorsque le projet Expendables 1 avait été annoncé il y a maintenant plusieurs années grâce à l’impulsion de Sly, la testostérone de tous les afficionados de films d’action des années 80 avait...

le 12 août 2012

82 j'aime

12

Taken 2
mcrucq
2

Critique : Taken 2 (par Cineshow)

Avec son budget de 25 millions de dollars ayant engendré 226 millions de dollars de recette, Taken premier du nom avait créé la surprise à l’international en atomisant la concurrence, et en se...

le 9 sept. 2012

53 j'aime

12

Django Unchained
mcrucq
9

Critique : Django Unchained (par Cineshow.fr)

Il aura fallu presque 20 ans à Quentin Tarantino pour réaliser son western, celui qui hante l’ensemble de sa carrière, et celui qu’il évoque de manière subliminale dans chacun de ses films. Après...

le 19 déc. 2012

52 j'aime

6