Un des meilleurs films de tueur psychopathe
SCHIZOPHRENIA
(Angst)
(Autriche / 1983)
Réalisation et scénario : Gerald Kargl
Scénario, photo et montage : Zbigniew Rybczynski
Avec : Erwin Leder
Voici le film qui fait de Seul contre tous un chef-d'œuvre. Et Gaspar Noé ne s'en défend pas le moins du monde. De la voix-off aux prises de vue incroyables, les travellings hallucinants, les plans de louma pas moins bluffants, à l'histoire d'un homme qui s'enfonce dans sa déchéance psychologique. La scène du tunnel dans Irréversible en est également inspirée.
Schizophrénia est l'histoire en temps réel d'un homme qui sort de prison, de sa compulsion à vouloir tuer, détruire, jusqu'à son aboutissement. On vit pendant tout le film avec cet homme, autour de lui comme à l'intérieur de ses pensées, mais sans jamais s'identifier. C'est une immersion clinique, froide et implacable dans la psyché d'un grand malade.
Pas de doute nous sommes en présence d'un film autrichien des années 80 : la musique est un peu datée mais fonctionne bien mise en présence avec cette lumière crue, terne et glaciale. Le film peut rappeler le cinéma de Haneke dans son rapport clinique, intrusif psychologiquement mais distancié émotionnellement.
D'abord la mise en scène ne nous laisse pas respirer et ne lâche jamais le tueur avec ses plans dingues, très proches, qui tournent autour de lui, nous plongeant dans son affolement. Les travellings en contre-plongée ou au contraire en plongée très haute signalent tour à tour l'enfermement ou les champs de possibilité, sa pseudo-liberté car il est pris au piège dans ses pensées circulaires, son envie insatiable de tuer et ses peurs.
La voix-off quant à elle relativement monocorde crée un effet de distanciation par sa monotonie tout en précisant avec acuité l'état d'esprit du tueur sadique.
L'acteur, Erwin Leder, est incroyable de vérité, oscillant entre l'agitation la plus confuse, l'excitation la plus folle, le doute, la joie... Il incarne ce personnage dans un panel de fébrilité, de fragilité, de brutalité toujours inquiétant. On peut aussi lire de la détresse, une douleur, dans ce corps et ce visage émaciés. Le personnage agit, ne se projette que dans ses fantasmes meurtriers mais rien ne se passe comme prévu, ce qui le fait réagir par impulsion, parfois absurdement pour nous, voire bêtement. Sa maladresse teinte d'ailleurs certains passages d'un humour morbide, ce qui permet de prendre du recul dans les moments les plus pénibles (voir le teckel au climax du film).
Même si Schizophrénia reste un film très violent il ne tombe heureusement jamais dans le guignol ou le spectacle facile. Sa force réside dans une mise en scène innovante, immersive, intelligente, dans la justesse du monologue intérieur et dans la performance d'Erwin Leder.
Le film ne dure pas longtemps, quelques 75 minutes. Il existe avec une version allongée exigée par la production dans laquelle on assiste au meurtre qui l'a fait mettre en prison (inutile et un brin ratée) et une scène d'introduction qui donne une histoire, un passé au personnage principal (inutile également mais réussie esthétiquement. Gaspar Noé s'en inspirera encore pour Seul contre tous). Je vous conseille donc la version expurgée.
Gerald Kargl, Zbigniew Rybczynski et Erwin Leder réussissent à nous tenir en haleine, nous sommes scotchés, horrifiés tout au long du périple du maniaque où le malaise est palpable jusqu'au final anti-spectacle, sauf pour le tueur, qui en deviendrait presque pitoyable si la neutralité, l'objectivité quasi documentaire ne dominait pas tout le film.
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