Scorcese est un génie. Personne de sensé ne peut affirmer le contraire, malgrè quelques passages à vide. Même quand le niveau général flanche, son incroyable facilité à utiliser ce média pour conter reste prodigieuse. Et ne parlons pas de ses réussites, qui figurent quasiment toutes au Panthéon du septiême art.

C'est fort de ce constat que ce Shutter Island se dévoile être une expérience déroutante, et pas pour son récit, mais on y reviendra plus tard. Tout d'abord la forme. Le premier choc ne vient pas de la solution de l'énigme qui se donne dès la première séquence, non. Mais plutôt de la foire aux faux raccords qui s'opére devant nos yeux ébahis. Foire qui va se prolonger pendant tout le film. Foire baignée des raillements d'un public bien sûr de lui. Seulement, comment ne pas prendre en compte l'homme derrière la caméra ? Comment ne pas se demander une seule fois : et si ces faux-raccords n'étaient tout simplement pas une figure de style, celle-là même qui a contribué à l'escroquetie Godard ? Bien entendu, cette utilisation dans un métrage visuellement aussi entertainment (photo nickelle) a de quoi dérouter, et c'est là qu'on peut légitimement être déçu : ne pas être assez "embarqué" pour comprendre. Pourtant, il suffit de s'interroger sur les sentiments que de tels effets provoquent : paranoïa, intérêt prononcé pour le personnage principal qui, étrangement, apparaît dans tous les faux-raccords. En résulte une ambiance qui se propage jusque dans l'esprit du spectateur qui, pour peu qu'il soit embarqué dans le scénario, trouvera là une expérience comme seul un tel génie peut proposer.

Malheureusement, c'est ici, principalement, que le bât blesse. Oui, il est tout à fait possible de deviner le twist final dès les premières minutes du film. Au bout de deux minutes, pour être exact, toutes les clefs sont dans les mains du spectateur qui n'aura, donc, plus qu'a choisir s'il veut rester camper sur ses positions ou laisser vagabonder son imagination devant les indices que parséme l'intrigue. C'était sans compter sur le cynisme de notre époque et, de l'avis général, la premiére solution a été plébiscité. Dommage, car le film posséde une véritable intelligence de langage, des mouvements incroyables de beauté et surtout toujours justifiés (les Aranofsky et autre Boyles, prenez en de la graine).

Justification qu'on est en droit de demander face à la relation Scorcese-Di Caprio. Déjà bien mauvais dans Aviator et carrément énervant dans Gangs of NY, Sa prestation ne convainc toujours pas ici. Son jeu de sourcils, toujours aussi ridicule, rend certains plans quasiment comique, et il faudra un jour s'occuper d'analyser son occupation de l'espace, son langage purement corporel d'une faiblesse a faire passer Matt Damon pour Chaplin. Dommage, tellement la tenue générale du film tient sur ses épaules.
Bavaria
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le 19 févr. 2011

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