Mission accomplie, monsieur Bond [sans spoil]

[ Critique publiée sur le site www.leberry.fr ] Alors, ce Skyfall ? Pas mal du tout. Après un Quantum of Solace qui avait de quoi décevoir les fans de Casino Royale, ce nouveau film devrait les réconcilier avec James Bond version Daniel Craig. Grâce notamment à trois forces : un méchant réussi, une réalisation habile et une première partie décoiffante.

L’histoire. Skyfall fait la part belle aux nouvelles technologies. Mais pas celles qui pourraient aider James Bond. Ce 007 est en fait plus geek que high-tech, un choix personnifié par le nouveau « Q » : jeune, arrogant et prétentieux, arborant un look cliché (lunettes, tête de premier de la classe). Au cœur de l'intrigue, Internet est une arme dévastatrice donnant un pouvoir sans limite à celui qui le contrôle. Attaquer une ville ou un pays en moins de dix clics devient une réalité.

Le film se divise en deux parties. La première, les deux premiers tiers du long-métrage, est un hymne à ce cyber-terrorisme dévastateur. Avec un bad guy aussi fou que Silva (nous y reviendrons), ça fait des étincelles. C’est sans conteste une réussite scénaristique. La seconde partie du film, son dernier tiers, que l’on peut tout simplement nommer Skyfall (les spectateurs ayant déjà vu le film comprendront), rompt brutalement avec cet esprit 2.0, ce qui peut d’ailleurs décevoir les spectateurs prenant leur pied durant la première partie du long-métrage. Cette seconde partie est celle d'un film d’action classique, sans réel coup de génie. Le dénouement, que l’on voit venir à un kilomètre, est peu propice aux rebondissements.

Les acteurs. Pour qu’un Bond soit de bonne qualité, il faut un bon méchant. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec Javier Bardem, nous ne sommes pas déçus ! Un physique dérangeant, un comportement malsain, une personnalité complètement tarée. Son personnage, Silva, est le meilleur du film. Ce n’est pas un simple méchant, à la différence du Français Mathieu Amalric, qui n’avait pas su tirer son épingle du jeu dans Quantum of Solace, ou même Le Chiffre de Casino Royale, interprété en 2006 par Mads Mikkelsen. Non, Bardem, dans le rôle de Silva, inquiète, interpelle, mais surtout fascine. Son jeu transpire la folie, essentiellement durant la première partie du film. À un tel point que, au fil des minutes, nous avons l’impression de retrouver le Joker de The Dark Knight, auquel Heath Ledger avait donné une démence aussi tordue qu’irrésistible. Le chemin est encore long avant les prochains Oscars, mais l’acteur espagnol, déjà sacré meilleur acteur dans un second rôle en 2007, pour No Country for Old Men, où son physique atypique et son caractère dérangeant l’avaient (déjà) magnifié, se place dès aujourd’hui comme un sérieux prétendant à cette même récompense.

Et la jolie Bérénice Marlohe, frenchie sensuelle propulsée James Bond girl en deux temps trois mouvements, comment s’en sort-elle ? Assez bien. Son rôle est très secondaire, mais elle parvient à montrer son potentiel dans des scènes-clés. La bonne surprise vient de la place primordiale de « M » dans l’intrigue, donnant à Judi Dench l’occasion de se mettre en évidence ailleurs que dans son bureau, ce qui n’est pas pour déplaire. Daniel Craig, dans le rôle du héros froid et déterminé, joue juste, sans plus.

La réalisation. Si Bardem semble s’être inspiré du Joker de Ledger, Sam Mendes semble avoir pris quelques leçons chez Christopher Nolan. La première partie du film rappelle cette tension incontrôlable qui avait fait le succès de The Dark Knight. Une réalisation qui saisissait le spectateur pour le jeter de rebondissements en scènes d’action, de catastrophes en scènes apocalyptiques. Comme Nolan, Sam Mendes maîtrise tel un chef d’orchestre les intrigues croisées qui finissent par se rejoindre pour finir un feu d’artifice. Pourtant, le début de Skyfall peut laisser craindre que le film prenne la même orientation bourrine que Quantum of Solace après une première scène d’action longue, épileptique, et insensée : à pied, en voiture, en moto, sur un train… une course-poursuite dantesque qui est sans doute aussi la plus extrême des trois derniers Bond.

La musique. Bien souvent, une bande-son peut sauver un film à la réalisation douteuse. Quand elle est bonne, se hissant au même niveau que le film lui-même, ça fait mouche. Thomas Newman, qui a notamment composé les bandes originales des Evadés (1994), de L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux (1998), American Beauty (1999), La ligne verte (1999) ou plus récemment Wall-E (2008) et L’agence (2011), livre une copie très propre. Mêlant rythmes nerveux, thèmes classiques et sonorités high-tech, il apporte de la consistance au film. Et quand le scénario fait des clins d’œil aux précédents Bond, lui permettant de lancer à nos oreilles des morceaux que l’on connait bien, c’est parfait.

Skyfall est bien l’un des meilleurs films de l’année. Avec un bad guy comme on n’en a pas vu depuis longtemps, il bénéficie d’une première partie magistrale. En terme de qualité, il dépasse Quantum of Solace et se place juste derrière Casino Royale. Plus la scène finale approche, plus le scénario cède à la facilité, mais cela n’enlève en rien le plaisir d’avoir vu un bon Bond.
PierreMachado
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le 10 nov. 2012

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