Mouais, bof. Pas de quoi sauter au plafond, hein.
Ce n'est d'abord pas un film très habité. Par là j'entends qu'il reste dans une mécanique assez froide, trop sophistiquée, trop parfaite, trop bien huilée pour ouvrir de convenables brèches au sein de cette endormie saga. Skyfall est un film dépourvu d'âme, c'est aussi sa beauté, sa transcendance : sa radicale inhumanité (aucun personnage existe, ils ne sont que des fonctions, des silhouettes désincarnées n'ayant pour seul mission que de suivre un programme savamment construit) donne lieu aux plans les plus beaux. Via ce travelling mortifère, à la fin, où l'ombre de Bond erre, indescriptible, dans la lumière orangée d'un brasier...Sublime.
C'est aussi un problème : au lieu de laisser Bond, magnifique personnage spectrale, dans son mystère, il tente de lui offrir un épaisseur qu'il n'aura jamais, ou par petites bribes lourdaudes et appuyées : Bond serait devenu trop vieux, trop triste, trop tourmenté. Il faut lui inventer un passé d'orphelin, lui imposer un fouillis psychologique extrement appuyé et prétentieux. Sauf que tout cela est inutile, et que le film peine à comprendre qu'il n'est jamais plus beau et funèbre que lorsqu'il fait ce que la série à toujours faite. Bond, c'est la réminiscence, le souvenir d'un passé révolu. Il incarne cela comme aucun autre. Pourquoi faut-il alors nous le rappeler, nous le hurler, à chaque plan, nous le surligner ? Le paradoxe cruel du film se trouve là : les scènes d'action les plus bourrines sont les plus belles et les plus tristes, car elles incarnent enfin physiquement la parlote qui se déroule pendant deux heures, Bond sur le divan de son psy, filmées avec une infinie platitude. Ainsi, dès lors que la musique commence, dès lors qu'il se lève et se bat, une étincelle nouvelle se créée : il faut alors voir ce mythe éteint dans le noir, plus qu'une ombre, une silhouette, un silence, il faut souffrir avec lui, lui, héros aux rides dévorantes, aux gestes plus lents qu'il ne l'étaient autrefois, regarder dans la blessure immense qu'est maintenant son visage tous ces films déroulés, gloire révolue qui se cherche à nouveau et qui désespère de ne revivre que via une froideur qui ignore sa beauté.