Un Kitano, une balle

"Sonatine, mélodie mortelle", consonance d'un requiem dont on connaît la finalité sans avoir encore débuté le film. Incontestable maître d'un cinéma japonais auquel il manquait cette pièce froide & crue, ce morceau de viande indigeste & pourtant si profondément humain, Kitano soutient encore allègrement la volonté tranchante d'un mélange indicible entre violence & poésie.
Jamais en reste, toujours dans la précision, on perçoit à chacune des scènes du film les obsessions contemplatives du réalisateur, ses désirs nostalgiques visant à trouver un équilibre entre l'innocence d'auparavant, l'inexistence de maintenant & l'incertitude de prochainement.
Toute la beauté de cette oeuvre réside dans son manque de temporalité, distraite par les désorientations des protagonistes ennuyés de leur condition nouvelle & effrayés par l'extérieur de la bulle dans laquelle ils se sont réfugiés. Murakawa, endossé par Kitano, est touché par la vie & sa fragilité, s'en moque éperdument, joue avec, & reconsidère son appréciation de la mort, jusqu'à briser le fil qui l'en lui sépare.
Un chef-d'oeuvre plein de délicatesse, sans jamais pencher vers la mièvrerie, mené par un cinéaste hors-norme & dont les thématiques ne peuvent échapper à personne.