Souvenirs en raz-de-marais.
Il était une fois sur terre un lieu enchanteur. Tellement serein que quiconque aurait vendu son âme pour en posséder ne serait-ce qu’un lopin de terre. Un lieu si calme qu’on l’aurait cru à l’écart du temps, perdu dans les temps joyeux de l’après guerre, figé comme un tableau dans sa perfection. Ce paradis, ce nulle part était le théâtre de la vie paisible de ses habitants qui vivaient aux rythmes de métiers obscurs et de fêtes qui ne l’étaient pas moins. L’ensemble était dominé par une vaste villa qui surplombait la baie marécageuse de sa grandeur oubliée et qui disparaissait peu à peu dans le superbe paysage qui l’avait vu naître. Il restait néanmoins dans la vieille demeure comme une pâle lueur qui s’échappait d’une fenêtre et qui sembler briller chaque soir comme un feu follet piégé dans les brumes capricieuses du temps.
Ce maigre aperçu vous en apprendra sans doute plus sur ce que j’ai retenu du film que la critique qui va suivre, celle du film « When marnie was there » assez improprement traduit en français par « Souvenirs de Marnie. »
Le dernier né des studios Ghibli nous montre que les maestros de l’animation japonaise ont encore beaucoup de chose à nous montrer et que même le départ du plus illustre d’entre eux ne va pas nous empêcher de rester bouche bée devant leurs productions. Après un conte de la princesse Kaguya qui rompait totalement avec l’ambiance graphique instaurée par Miyazaki depuis plus de 25 ans, Marnie retourne à ses sources visuelles et autant dire que le résultat est esthétiquement bluffant.
Des jeux de lumières en passant les décors tout dans le film s’approche de la perfection. Dans la droite lignée visuelle très pure du « vent se lève » le film nous raconte une histoire tout aussi épurée, sans magiciens ni dieux guerriers, mais tout aussi magique. Cette histoire c’est celle D’Anna, orpheline asthmatique et déprimée qui se retrouve envoyée dans ce coin de paradis pour soigner sa maladie chronique.
Or la passion de la jeune fille étant le dessin, elle va passer ses journées à vagabonder dans les environs afin d’y croquer le paysage. Singulièrement happée par l’aspect magnifique de la villa des marais elle y fera une rencontre particulière qui sera le moteur de toute l’intrigue.
Autant le dire tout de suite, le film ressemble étrangement à un livre de l’époque romantique, tout en douceur et en méditation, il nous laisse simplement profiter pleinement de son ambiance mélancolique et de son paysage beau à en pleurer.
L’héroïne n’est pas inintéressante non plus, loin du standard de la femme forte et indépendante qu’on retrouve dans beaucoup de Ghibli c’est ici une pré-adolescente timide et peu sûre d’elle qu’on retrouve à vagabonder et à trébucher un peu partout, sur ses choix de mots comme sur le sol d’ailleurs.
Ce qui est superbe dans ce film c’est que l’histoire qu’on nous raconte est infiniment simple, voir même terriblement banale. Mais qu’elle est si bien racontée qu’on ne peut s’empêcher de s’émouvoir. Le film a traversé un bon nombre de barrières émotionnelles du spectateur stoïque que je suis avec une aisance assez inouïe et m’a laissé avec le cœur plus gros qu’il ne l’aurait du pour ce genre d’histoire.
L’ambiance contribue bien sur énormément à cette réussite et si l’on a déjà parlé graphisme sachez que la musique n’est pas en reste. Si le grand Joe n’est pas à l’œuvre ici, le compositeur de la BO a fournit un travail très appréciables avec des thèmes agréables à écouter.
Mais ce qui fait tout le sel de l’histoire c’est bien sur la relation entre Marnie et Anna qui est très intéressante à décortiquer surtout au fur et à mesure qu’on la découvre. Souvent touchante et drôle elle devient parfois presque effrayante en n’ayant pourtant recours à aucun trucage, simplement parce qu’elle dérange. Son aspect fantastique au sens premier du terme offre une double interprétation du film de premier choix mais je ne m’étendrais pas plus sur le sujet.
Souvenir de Marnie nous raconte donc l’ouverture au monde d’une jeune fille sur fond de paysages bluffants et de musique superbe, et s’il n’y a pas de grande morale comme dans « le vent se lève » ou un style graphique unique comme le « conte de la princesse Kaguya » cela reste un Ghibli plus qu’honorable, en plus de prouver que le studio a de quoi continuer à nous faire rêver.