Découvrant tout juste senscritique, la position de certains détracteurs de ce film m'étonne quelque peu. On peut, sans doute, ne pas aimer Stalker, cependant certaines accusations me semblent lancées plus contre les admirateurs du film que contre le film en lui-même, et il faut bien le dire, c'est un peu idiot.

En effet, déclarer que "les rationalistes et les athées, les bien dans leur peau et les équilibrés" devraient passer leur chemin, prête à sourire, déjà parce que l'association des deux derniers épithètes avec les premiers démontrent un complexe de supériorité assez hallucinant. Ensuite parce que la foi dans Stalker, n'est pas seulement la foi en Dieu, ni même d'ailleurs en tout ce qui serait surnaturel, mais l'acte de foi en général, et il me semble difficile d'y être insensible. Sans foi, en effet, il est bien difficile de sortir du solipsisme, et donc de vivre, alors faire de la science et utiliser sa raison, n'en parlons pas... Le sujet me paraît donc aussi universel qu'un sujet peut l'être, et peut tout à fait intéresser des athées, dont je fais partie. Après effectivement, si vous êtes fan d'Ayn Rand, ou plutôt, vu que nous sommes sur un site francophone, si vous apartenez à une certaine frange du marxisme que je me garderais de qualifier par sympathie pour un grand homme, cela risque de poser plus de problème.

Ensuite parce que les accusations d'obscurité volontaire me semblent très peu convaincantes. D'un parce que si effectivement un grand nombre d'élément du film n'ont pas de sens clair attribué, les questions générales que posent le film sont tout de même assez franchement explicites. Ensuite parce qu'on ne peut que ce féliciter que, je cite encore Cnarf06, "Comme on peut faire dire ce que l'on veut à Nostradamus, chacun pourra trouver dans ce film matière à élucubrations infinies et incontestables, comme les docteurs de la foi interprètent leurs livres sacrés.". En effet, il est bien vu de souligner la parenté entre les interprétateurs des livres sacrés et les critiques littéraires. Beau compliment. Et comme disait Stendhal, et un autre film de Tarkovski lui fait écho, "un roman, c'est un miroir qu'on promène le long d'un chemin".
Bref, la multiplicité d'interprétation me semble être quelque chose d'irréductible à l'art, je me vois donc mal critiquer un film pour cela. Après que l'on estime l'approche de Tarkovski un peu creuse, ou insuffisante, ou que sais-je, voilà qui pourrait mériter un développement intéressant.

Pour parler un peu plus du film plutôt que de certains de ses détracteurs, il me semble qu'il reste surtout à aborder la forme. C'est le plus grand point fort du film, et si l'on peut admirer les nombreux travelling très lents, la science du cadrage, le rendu de l'eau et ses effets de transparence, il me semble intéressant de noter le jeu incessant de Tarkovski sur la place de la caméra, jamais où on ne l'attend, à l'intérieur ou à l'extérieur du bâtiment, jeu dont l'apothéose se situe lors du dernier plan dans la Zone, pris depuis l'intérieur même de la Chambre. Un jeu qui n'est pas que formel, car il me semble tout à fait en adéquation avec la problématique de la foi au centre du film.

Bref, à mon sens immense film d'une beauté plastique incomparable, dont l'acmé est pour moi ce monologue de la femme du Stalker, jouée par Alisa Freindlich, qui mérite certainement d'être citée ici pour sa performance.
corumjhaelen
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le 25 mars 2013

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corumjhaelen

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