Starbuck par Patrick Braganti
À partir d'un sujet original – une myriade de jeunes adultes part à la recherche de leur père biologique, un donneur particulièrement productif de sperme – le canadien Ken Scott réalise une œuvre attachante, oscillant entre comédie désopilante et réflexion plus finaude que l'accroche pourrait le laisser croire sur la paternité et l'identité familiale. Le héros malgré lui, David Wosniak, est un quadragénaire immature, livreur dans la boucherie de son père, un immigré polonais, poursuivi simultanément par deux durs à cuire à qui il doit un bon paquet d'argent. Le géniteur de 533 enfants, dont un quart souhaite faire sa connaissance, ne sait comment gérer cette incroyable nouvelle, alors qu'il vit une relation compliquée avec son amoureuse Valérie, qui attend elle-même un bébé et qui n'envisage pas David comme un père capable d'assumer ses fonctions. La meilleure partie du film, parce que la plus rythmée et inventive, se situe au moment où David prend contact dans l'anonymat et dans des situations qu'il organise de toutes pièces et ne doivent donc rien au hasard avec quelques-uns de ses rejetons. Dans ces instants fugaces et souvent cocasses, le film tisse avec subtilité et élégance une belle idée de ce que peut être la paternité, abordée sous l'angle de la protection, de l'aide et du conseil. Mais l'affaire prend de plus en plus d'ampleur, relayée par la justice et les médias. Dès lors le film devient plus convenu, flirtant parfois avec une approche sirupeuse, en tout cas tellement pétrie de bons sentiments qu'elle finit par serrer la gorge en flattant notre sensiblerie. Il n'empêche, Starbuck ne manque pas de qualités : l'interprétation en nuances de Patrick Huard, les seconds rôles (l'avocat de David, son père et ses deux frères et les quelques enfants biologiques sur lesquels s'arrête le scénario) et le made in Québec (expressions et accent truculents qui font toujours rire). Il y a beaucoup de tendresse et de sentimentalisme dans cette comédie attachante qui interroge aussi l'hérédité et la transmission, tout en n'omettant pas de mettre en exergue par le biais de l'humour l'épineuse question de la naissance et des origines. Ou comment, ainsi que le déclare un des enfants de David, vivre quand on n'a pas été conçu dans l'amour, mais grâce à la masturbation dans un pot. Une belle surprise pour l'été.