Je ne suis pas un expert du cinéma québécois, mais on ne peut nier que nos chers amis mangeurs de poutine ne sont pas les premiers exportateurs dans le business du 7e art (ici habilement déguisé, premier message subliminal pour opposer le gentil film à petit budget au vilain business de producteurs aux dents longues).
Alors quand nos salles se décident à diffuser un film au pitch complètement barré comme celui-ci, on peut légitimement se dire que what the fack, ces québécois sont vraiment pas comme nous.
Et en fait, tout y est, dans ce film.
Déjà, il suscite l’intérêt, au moins un haussement négligé de sourcil : le « héros » du film, comme source de revenus complémentaire, n’a rien trouvé de mieux que de faire des dons de sperme, touchant de ce fait rémunération, et se retrouve avec 533 gosses (instant fun fact : gosses = couilles au québec) dont environ 150 veulent connaître l’identité de leur père biologique.
Or, papa biologique est un gigantesque loser qui livre (mal) de la viande pour la boucherie de papa, et fait (mal) pousser de la beuh dans son appart’.
Comme quoi prenez-en de la graine les autres, bordel on n’est pas obligé de se prendre au sérieux et de faire un film sur un môme de 8 ans avec une tête de pub pour kinder et qui recherche son vrai père, à grands renforts de violons parce que la méchante belle-mère veut protéger la méchante famille recomposée et le balance dans le caniveau à coups de pieds, puis les deux qui se retrouvent au détour du rayon saucisson à Franprix dans une gigantesque explosion lacrymale (et de foutre du réalisateur qui se paluche sur son futur César) …
NON, tabernacle, le réalisateur a les gosses d’assumer son pitch débile (je tente d’intégrer ici une ambiance québécoise) sans que jamais ce ne soit ridicule, entre premier et second degré, avec des répliques et un comique de situation que n’aurait pas reniés Allen lui-même (il apparaît d’ailleurs dans le dernier Closer avec une casquette à oreilles et une barquette de poutine). Et puis cet accent québécois, nécessitant parfois les sous-titres tellement on ne bite rien à ce qui se raconte. Un plaisir rare.
En fait voir ce film, c’est un peu comme monter dans une voiture de rallye aux côtés d’un pilote professionnel : pendant le parcours on a 30 fois l’impression qu’on va se bouffer un arbre, mais une fois arrivé, on réalise la maîtrise.
Parce que le film prend des risques, il aborde des sujets terriblement casse-gueules comme la drogue, le handicap, mais comme ça ne pète jamais plus haut de son cul, l’arbre est déjà bien loin derrière. Il multiplie les personnages (il ne développe pas les 150 gamins qui veulent voir leur père, mais on en voit pas mal) et ceux-ci font vrais, consistants et pas caricaturaux (« ziouffff » fait l’arbre habilement évité).
C’est tour à tour touchant et hilarant, sans mélo dégoulinant, c’est une vraie histoire mais c’est aussi complètement improbable et barré. Et c’est vraiment à voir.
Voilà, maintenant pour niquer tout cet enthousiasme mielleux et débordant, je vous annonce qu’un remake américain avec Vince Vaughn est déjà en préparation. Prends-ça, l’originalité.