Parfois, on cherche à voir un feel-good movie pour se donner la pêche et on ne trouve rien qui réponde à nos attentes... Et parfois on ne cherche absolument rien et on tombe sur une véritable mine de bonne humeur. C'est ce qui m'est arrivé avec Starbuck. Réalisateur du décalé et très drôle La grande séduction, Ken Scott revient sur les écrans géants avec un film une nouvelle fois à part. Starbuck raconte l'histoire d'un type paumé de 42 ans qui se retrouve du jour au lendemain père d'un demi millier de jeunes nés de l'endurance de sa main gauche et désireux de connaître leurs origines. Bon, au vu de la bande-annonce (drôle et surprenante), on peut s'attendre à ce que ce soit un film original et se douter qu'il va être bien traité. Mais je gardais une petite appréhension, me disant qu'un tel scénario, s'il était très prometteur, aurait rapidement pu tourner en grosse comédie américaine aussi subtile que Jean-Marie Bigard bourré. Et que l'on se rassure, ce n'est pas le cas. On aurait pu s'attendre à un film plein de bons sentiments, où le papa débarque comme une fleur dans la vie de ses enfants et agit en superhéros qui vient bouleverser leur vie comme un bon génie sorti de nulle part, avec une happy-end Hollywoodienne. Et on aurait un peu raison, car il y a un peu de ça dans Starbuck, mais sans niaiseries ou fadaises à l'eau de rose. Si le film n'est pas un bonbon édulcoré sans saveur, n'allez donc pas imaginer non plus que l'on a affaire à deux heures de cynisme, de désenchantement et d'humour noir. Non, Starbuck ne va dans aucun extrême et ce qui fait son originalité c'est que le tout est plutôt très bien dosé, entre blagues piquantes et humour beaucoup plus bienveillant. Starbuck puise sa force et son humour de partout : comique de situation, de répétition, réparties bien trouvées et inattendues... Et surtout, le personnage-même au centre de cette histoire est incroyablement attachant. Est-ce grâce à son accent québécois ou au talent de Patrick Huard ? Il y a sûrement beaucoup des deux, mais il y aussi tout un travail sur le personnage de David. Son personnage de gentil loser pourrait sembler un peu « facile »; c'est vrai qu'au cinéma ce genre de caractère suscite souvent l'empathie. Mais ici il y a plus que ça : il y a le caractère de David Wosniak, et il y a aussi comment son entourage parle de lui. Là où Ken Scott va plus loin que ceux qui mettent en scène des paumés gentiment comiques, c'est qu'il travaille aussi les relations de son héros avec les autres. Tout l'aspect relationnel est mine de rien extrêmement construit et subtile, on a l'impression de connaître ce David fictif à travers le comportement que ses proches ont à son égard. La façon dont son pote avocat le traite et lui parle (avec beaucoup d'ironie, comme s'il parlait à un gentil paumé qu'il faut ménager), la façon dont son père et ses frères n'ont de cesse de lui rappeler son incompétence tout en lui portant un amour et un respect timide mais sincère, la façon dont sa copine est blasée de tant de fantaisie mais incapable de résister à son charme... Tout ça donne une énorme contenance et une crédibilité au personnage, on a littéralement l'impression de partager sa vie pendant deux heures. Pour le reste du film, gardons la surprise. Mais s'il y a quelques petites maladresses ou des passages qui peuvent sembler très démagogiques et stéréotypés -car le réalisateur lui-même a avoué avoir voulu caser certains « clichés » dans les profils des enfants de Starbuck-, le tout est résolument humain, vrai, et touchant. Et à côté de l'aspect comique, Scott aborde des problématiques de fond très intéressantes. Starbuck c'est en fait le rayon de soleil idéal pour une journée, il fait partie de ces films sans prétention mais bien plus intelligents et subtiles qu'il n'y paraît. C'est un film qui, sans être une grosse comédie populaire, est apte à faire rire et à toucher absolument tout le monde. Un film qui fait du bien.