Une petite claque à défaut du gros punch.

La bande annonce de Sucker Punch laissait présager de douteuses accumulations de plans à 1000$ la seconde, d'un scénario voulu tellement profond qu'on n'y verrait rien et d'une performance dramatique basée sur les mensurations des personnages. Présage vérifié ou non en fonction de la façon dont on veut bien voir ce tout petit chef d'oeuvre.

Rabaisser Sucker Punch au rang de blockbuster gratuit et dopé à grand coup d'explosifs et d'hémoglobine serait profondément injuste, tout d'abord parce que le film se passe presque intégralement de ketchup, justement. Rien. Nada. Pas le moindre centilitre de sang. Au vu de la densité de références, inégalement subtiles, cinématographiques notamment, dont fourmille le film, on aurait pu s'attendre à une petite tache pourpre sur la neige lors de la scène dans la cour du château japonais (et en plus la blonde a un sabre...), au moins, allez quoi. Mais non. C'est là une des subtilités du long métrage, rébarbatif au premier abord: des références par pelletées, mais toujours suffisamment discrètes pour ne déclencher qu'un sourire satisfait, à mi-chemin entre le "aaah j'ai compris lol" du geek ahuri de satisfaction sur le siège à votre gauche, et le parfait silence de votre grand-père à votre droite. C'est normal, il dort, comme tout homme qui regarderait le film au premier degré.

L'histoire est une sorte d'Inception en beaucoup plus glauque, en beaucoup moins "si-si-c'est-très-crédible-d'ailleurs-je-vais-t'expliquer," et en beaucoup plus métaphorique, imagé. Eh oui, avouons-le, on est un peu venu voir Zack pour ça, au départ: les images. Du point de vue esthétique, c'est un travail d'orfèvre, on a envie d'appuyer sur pause tout le temps. Les dialogues sont brefs, ce qui a le mérite d'éviter le tournage-en-rond qui aurait pu facilement être symptomatique d'un scénario titubant: c'est pas mal, même plutôt brillant, mais tellement confus et soumis aux contraintes de l'esthétisme des situations qu'on y voit vite plus rien, tant pis, on comprendra plus tard. En près de deux heures, vous aurez droit à trois niveaux de lecture, une permutation de personnage principal, et des dizaines de changement de lieux. Autant dire qu'on en prend plein les mirettes. Snyder passe au crible tous les cadres classiques du cinéma moderne, du plus geek au plus mainstream, du plus hipster au plus convenu. Au passage, il rafle références et hommages à un rythme soutenu: Kill Bill, le Seigneur des Anneaux, Il Faut Sauver Le Soldat Ryan, Un Pont Trop Loin, Midnight Express... Mais aussi jeux vidéos, BD, mangas. Tout y passe, plus ou moins clairement, jusqu'à la dernière réplique du film (ceci n'est pas un spoil): "Nous avons un long chemin à faire."

La performance d'Emily Browning et de ses petites camarades est soignée, sans plus. En revanche, les personnages secondaires et le grand méchant (Oscar Isaac) sont beaucoup plus impressionnants, à mes yeux. Et leur consistance, très inattendue, est la bienvenue dans un script où s'enchaînent les répliques ultra-conventionnelles. Un vilain docteur sensible et plein de regrets? Un cuisinier stupide et instable, traversé d'éclairs de violence aussitôt regrettée? Une prostituée brisée contre qui tout se retourne? Des complices pleins d'humanité? Je dis oui! Dans un environnement entièrement bâti sur l'imaginaire d'un personnage, qui aurait pu servir de prétexte à toutes les approximations, cette complexité plaît et donne à réfléchir.

En résumé, Sucker Punch est à regarder comme ce qu'il est: une suite d'images et de références savoureuses, savamment agencées en un scénario qui peut donner matière à penser, le tout sur une excellente BO. Ni plus, ni moins.
Zhr
6
Écrit par

Créée

le 16 sept. 2012

Modifiée

le 18 sept. 2012

Critique lue 424 fois

7 j'aime

Zhr

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