Avoir un faible pour les rejetés de l'establishment cinématographique.

Je sais, ça peut paraître étrange que je recommande d'aller voir un film auquel je donne la note de 5. Et sans vouloir donner dans l'onanisme intellectuel, la question est plus compliquée qu'à première vue.

Premier mouvement : ce film ne casse pas des briques, même visuellement. On y sent les intentions, mais elles sont mal captées par la caméra. On pourra apprécier les idées (et encore), mais pas la réalisation qui est vraiment plate, même avec des standards de série B. La bande annonce a plus de punch que le film, et le scénario, comment dire... a du mal à convaincre, notamment parce qu'il aborde un thème qui aurait pu être porteur sans parvenir à le faire décoller au niveau émotionnel. De la daube, donc.

Second mouvement : ce film est rejeté pour les raisons mentionnées dans le premier mouvement, mais aussi parce qu'il a tenté d'accomplir quelque chose d'intolérable, et qu'il convient d'apprécier. Snyder a vraiment voulu écrire un scénario qui a un sens, comme "un message", et il a voulu donner à son personnage une dimension qui dépasse celle de l'action-girl. Son trip n'est pas, comme on pourrait le croire, de lancer de l'action pour l'action (les amateurs seront déçus), mais de mettre en place une sorte de quête morale pour son personnage principal. Et là où ça accroche, et j'imagine surprend le public, c'est qu'il s'agit d'une quête sacrificielle.

[Spoiler] Et oui. Le personnage principal fait partie de ce nouveau genre de héros qui par leur richesse intérieure font resurgir chez les autres les vices les plus affreux dont est porteuse notre civilisation. Une sorte de figure Christique qui fait son chemin de croix, en somme, en dévoilant, par le fait que la foule se déchaîne contre elle, que ceux qui se nomment garants de l'ordre sont souvent ceux qui sont les réelles plaies de la société. Si on a pas peur de s'investir dans l'interprétation capillo-tractée du film, on peut même établir que les filles "femmes fatales" sont là pour faciliter le contraste entre leur situation de victime bouc-émissaire, et la cruauté du monde qui les enferme sous des prétextes pourris.

La conclusion du film est dans cette droite ligne : par son action dénuée de tout égoïsme, cette fille qui est une victime par essence, contre qui tout le monde s'acharne, réussit à sauver d'autres personnes et à faire tomber le système qui l'a torturée. Le moment de doute qu'elle instigue dans son attitude sacrificielle est la source d'un changement, d'un recul, d'un soudain jet de lumière sur la réalité que tous s'évertuaient à ne pas voir. En amenant chacun dans une position où il n'est plus possible de fermer les yeux, elle est porteuse d'une vérité libératrice. Et oui, je pense que Snyder cherchait à établir quelque chose de ce genre, car si on retire cette dimension au personnage, son comportement n'a aucun sens et la fin du film non plus. On pourrait dire qu'elle est juste bête, ce qui me semble un peu court. Rappelons-nous les mots du médecin disant qu'il "y avait quelque chose de spécial dans son regard, comme si elle avait voulu que je le fasse".

A méditer.
IIILazarusIII
5
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le 5 avr. 2011

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IIILazarusIII

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