Bon, attention, je m'attaque à du lourd ! Faut être sacrément motivé pour rédiger la critique d'un monument comme "Taxi Driver" d'aussi bon matin (mon réveil indique 06:05... ah non, 06:06, au temps pour moi) mais je préfère m'y atteler pendant que le film est encore frais dans ma mémoire. Le portable est éteint, le chat dort, popol aussi... C'est parti !

Palme d'or au festival de Cannes en 1976, "Taxi Driver" est né de la dépression du scénariste Paul Schrader, devenu obsédé par les armes à feu et trainant la nuit dans les cinés porno à la suite d'une rupture visiblement douloureuse. C'est peu dire que cet aspect autobiographique suinte par tous les pores de la pellicule, la descente aux enfers de Travis Bickle sonnant incroyablement juste.

De prime abord envisagé pour Robert Mulligan puis Brian De Palma, la mise en scène atterrit entre les mains de Martin Scorsese, principalement connu à l'époque pour son séminal "Mean Street" et pour le très joli "Alice n'est plus ici". Ce cinquième long-métrage le propulsera vers des sphères encore jamais atteintes, ce qui n'est que justice quand on voit l'apport indéniable du cinéaste au script de Schrader, déjà impeccable.

Filmant la ville de New York comme une véritable entité maléfique et limite lovecraftienne, Scorsese parvient à faire nôtre la schizophrénie galopante de son anti-héros magistralement campé par un De Niro à son meilleur, nous plongeant à l'intérieur de son âme paumée et égarée, nous laissant nous dépatouiller avec ce malaise persistant, celui d'être non plus un simple témoin des événements, mais bien un complice.

Nous assistons, impuissants, à la lente dégénérescence mentale d'un homme dégoûté par la vie, par le monde qui l'entoure, nous le suivons dans ses longues déambulations au coeur d'une cité ravagée par le vice et le crime, à la fois révulsé et fasciné par ce que nous voyons, miroir à peine déformée de notre propre existence, jusqu'à une résolution à la puissance aussi bien graphique qu'émotionnelle fracassante, d'une superbe ambiguïté morale, l'Amérique ayant décidément les "héros" qu'elle mérite.

Chef-d'oeuvre incontestable d'un auteur en passe de devenir une marque à lui tout seul, aussi brillant soit-il, "Taxi Driver" est un diamant noir qui ne peut que vous laisser sur le cul, une ballade dépressive au royaume de la mort et de la putréfaction convoquant ce que l'humanité a de plus dégueulasse, une oeuvre inconfortable et inoubliable au casting impeccable (la toute jeunette Jodie Foster en tête) et hantée par la partition à la fois pesante et jazzy du grand Bernard Hermann, décédé avant même la sortie d'un film qui lui doit tant.

Créée

le 12 juin 2014

Critique lue 2.3K fois

94 j'aime

5 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 2.3K fois

94
5

D'autres avis sur Taxi Driver

Taxi Driver
Kobayashhi
9

La prostituée et le Chauffeur de Taxi. La Scorsese

"All the animals come out at night - whores, skunk pussies, buggers, queens, fairies, dopers, junkies, sick, venal. Someday a real rain will come and wash all this scum off the streets. " C'est par...

le 15 oct. 2014

155 j'aime

3

Taxi Driver
DjeeVanCleef
10

Un Prophète.

On pourrait disserter des semaines sur les qualités de ce film, un pur chef-d’œuvre, peut être même le seul vrai joyau de Scorsese. Celui qui, sous mes yeux, dans mon cœur brillera pour des millions...

le 29 sept. 2013

135 j'aime

25

Taxi Driver
JimBo_Lebowski
10

Le Solitaire

Mon expérience avec Taxi Driver a commencée dans une salle de cinéma de quartier il y a 15 ans, tout jeune lycéen ouvert à l'œuvre des Kubrick, Tarantino, von Trier et autres P.T. Anderson, j’étais...

le 27 oct. 2015

131 j'aime

9

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

268 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

208 j'aime

20