De retour du Vietnam, Travis Bickle (Robert de Niro) est engagé dans une compagnie de taxi new-yorkaise. Mais l’ennui, l’angoisse et la mélancolie gagnent. Ses aventures nocturnes ratées par maladresse et la violence quotidienne dont il est le témoin lui font peu à peu perdre la tête. Sa rencontre avec une jeune prostituée de 14 ans (Jodie Foster) va tout faire basculer. Torturé par une obsession politique et sociale de "propreté", il s’assigne la tâche de redresser une humanité qu’il perçoit décadente et de protéger la jeune femme livrée aux sinistres obsessions de pourvoyeurs obscènes.


« Taxi driver » est tout d’abord une terrifiante entrée dans le froid processus de la folie paranoïaque et dans la lente progression d’un être fruste qui s’enfonce dans les ténèbres. La descente aux enfers de Travis Bickle est proprement saisissante. De Niro est époustouflant dans ce personnage gagné par la détresse et la peur au cœur d'une mythologie urbaine qui le cerne. Malgré un narratif déprimant, l’acteur a le mérite de nous subjuguer dans le rôle de ce justicier de la ville, victime d’une humanité livrée à ses pulsions les plus abjectes.


Le monde criminel, la mafia, la cité représentent l’enfer dans la vision pessimiste de Scorsese. Les êtres sont faits pour se perdre dans des dédales qui ne mènent nulle part et où les voix de la justice sont couvertes par le bruit. Pas une seule image de la lumière, de la clarté du jour, d’un arbre, d’une fleur, toutes évoquent une nuit sinistre envahie de lueurs artificielles, de flashs rougeoyants et aveuglants qui dissolvent le réel. New-York n’est autre qu’une jungle qui réveille chez Travis les traumatismes de la guerre et les obsessions les plus funestes. Scorsese peint à merveille le glauque de ces nuits subies par cet homme qui se dit poursuivi par la solitude et l'adversité et vit dans une perpétuelle psychose où nul sourire, nulle clarté ne sont là pour l’éclairer et l’humaniser ; oui, une nuit où les repères éclatent et où les codes se bousculent à jamais. Un film éminemment désespéré qui tend tout entier vers sa scène finale et sa tragédie illustrée par une imagerie lancinante et hallucinatoire. Un film qui n’a pas pris une ride tant il s’inscrit dans une démarche culturelle et historique qui lui confère un sens universel. 1

abarguillet
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le 27 oct. 2015

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abarguillet

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