Teddy Bear
6.9
Teddy Bear

Film de Mads Matthiesen (2015)

Quel bonheur d'être la première à rédiger une critique sur un si grand film, une immense surprise parvenue jusqu'à moi par je ne sais quel heureux hasard du jeu des recommandations.


Teddy Bear, c'est l'histoire de Dennis, un body-builder danois de 38 ans, qu'une timidité maladive envers le sexe féminin empêche de nouer une quelconque relation avec une femme. Il passe ses journées entre la salle de sport où il entretient sa montagne de muscles et la maison où il vit avec sa mère. On ne peut qu'être immédiatement attendri par ce colosse qui semble s'excuser de vivre en permanence : sa corpulence de titan est un leurre, Dennis est un homme timoré, gentil à l'extrême, qui s'est laissé, année après année, écrabouiller par une mère des plus castratrices.


Je reviens un instant sur l'acteur principal, incarné par un Kim Kold : cet individu m'a époustouflée par la justesse de son jeu, l'émotion qu'il parvient, en si peu de mots, à faire passer, la bienveillance qu'on lit dans son regard, la tendresse qui se dégage du moindre de ses gestes. Je me suis demandée où le réalisateur avait pu trouver un acteur portant si parfaitement ce personnage, me disant qu'il avait dû inventer l'histoire à partir de lui.. La mère, personnage essentiel du récit, est également incroyable, regard tranchant et bouche pincée, son visage dit sa dureté, son absence de tolérance, sa violente intransigeance qui n'a qu'un unique objet : son fils.


Inspiré par son oncle, qui a trouvé l'amour en Thaïlande, Dennis décide d'aller tenter sa chance à Pattaya. Seulement, une fois sur place, la très glauque réalité du tourisme sexuel le rattrape, inhibant un peu plus celui qui, au fond, ne cherche que l'amour et un regain d'estime de soi. Certaines scènes mettent particulièrement mal à l'aise, se rapprochant du documentaire, montrant une réalité sociale sordide, celle d'une femme s'acceptant objet, automate sans âme, perroquet récitant toujours le même discours ; j'ai eu grand mal à accepter de voir tout cela. Pourtant, après le pathétique vient un temps plus doux, que je ne révélerai pas pour ne pas déflorer une histoire au scénario des plus singuliers et aux rebondissements intenses.


Pourquoi donc une telle note ?
Pour la beauté des images, la mise en scène au cordeau, rendant très bien la montée de tension, la photographie parfaitement révélatrice du questionnement du personnage : tout y est magnifiquement filmé, de bout en bout, sans aucune effet de manche et sans jamais chercher à faire esthétique, se reposant simplement sur la vérité que livrent les personnages face caméra. L'histoire vous fait passer par toute la palette des émotions - de l'attendrissement absolu face à ce nounours plein de p(l)eurs rentré(e)s à l'agacement face à ce grand bonhomme incapable de rabattre le caquet à son affreuse génitrice.


J'ai également aimé la subtilité d'un scénario jamais manichéen : même dans les pires moments d'échange entre Dennis et sa mère, on ne peut que sentir l'amour qui les lie et, malgré la terreur que ressent le spectateur, j'ai aimé qu'on me garde cette petite fenêtre lumineuse.


Psychanalytiquement parlant, c'est un film fascinant sur les désastres que peut causer sur son fils - sur sa vie sentimentale, sociale et sexuelle - une mère castratrice, manipulatrice, s'appuyant sur le chantage affectif, n'hésitant pas à aller vers la plus impensable destruction pour garder sous sa coupe le plus grand amour de sa vie, qu'elle culpabilise à merci pour mieux en faire son joujou.


Je voulais mettre un 9 mais j'ajouter un point de bonus, totalement arbitraire et gratuit, parce qu'il s'agit d'un film danois, et que moi, vraiment, leur cinéma, leurs acteurs (Vinterberg, Mikkelsen, The Killing...) : j'achète pour l'instant tout ce que j'ai vu.


Bref, un très grand film, intense, vrai, beau, physique, cruel et touchant à la fois - une merveille.
Faites-vous plaisir, voyez-le : le 7ème art dans ce qu'il peut avoir de plus renversant.

BrunePlatine
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Chocs cinématographiques [2016]

Créée

le 6 mai 2016

Critique lue 1.6K fois

17 j'aime

12 commentaires

Critique lue 1.6K fois

17
12

D'autres avis sur Teddy Bear

Teddy Bear
oso
7

Émancipation tardive d'un coeur surentraîné

Dennis, des biceps comme tes cuisses, deux têtes de plus que la moyenne, est bien décidé à se trouver une petite amie. Au mariage de son oncle qui a trouvé sa promise lors d'un voyage en Thaïlande,...

Par

le 29 juin 2021

5 j'aime

Du même critique

Enter the Void
BrunePlatine
9

Ashes to ashes

Voilà un film qui divise, auquel vous avez mis entre 1 et 10. On ne peut pas faire plus extrême ! Rien de plus normal, il constitue une proposition de cinéma très singulière à laquelle on peut...

le 5 déc. 2015

79 j'aime

11

Mad Max - Fury Road
BrunePlatine
10

Hot wheels

Des mois que j'attends ça, que j'attends cette énorme claque dont j'avais pressenti la force dès début mai, dès que j'avais entraperçu un bout du trailer sur Youtube, j'avais bien vu que ce film...

le 17 déc. 2015

77 j'aime

25

Soumission
BrunePlatine
8

Islamophobe ? Vraiment ? L'avez-vous lu ?

A entendre les différentes critiques - de Manuel Valls à Ali Baddou - concernant le dernier Houellebecq, on s'attend à lire un brûlot fasciste, commis à la solde du Front national. Après avoir...

le 23 janv. 2015

70 j'aime

27