Revu grâce à sa diffusion sur Arte lundi. En réfléchissant bien, je crois que je préfère largement la veine plus sobre, plus premier degrés des Coen, mais il est évident que dans leur veine comique, subversive, revendiquant un certain cynisme aussi ; "The Big Lebowski" est leur meilleur représentant.
C'est un film vraiment hilarant, totalement parfait de ce point de vue. Plusieurs scènes me sont totalement cultes - la scène de dispersion des cendres (putain mais je ne m'en remettrai jamais), par exemple. Ce qui fait qu'il est si magistral dans ce côté là, c'est qu'il fonde tout, son scénario, ses personnages, sa mise en scène et ce qu'il dit de notre monde ; qu'il compose tous ces cadres, tous ces débouchés, sur le vide. L'histoire part d'un creux, de quelque chose d'inutile, d'imbécile, d'absurde, qui sera monté en épingle jusqu'à l'explosion. Ce vide, c'est à la fois l'absence d'enjeux (The Dude avance, mais vers quoi, dans quel but, et pourquoi ?), l'absence de sens a donner au monde (le film raconte, par le prisme du personnage de Walter, une Amérique totalement déboussolée, triste à en tomber dans le grotesque, fissurée, prête à péter les plombs) ; mais c'est aussi l'absence de vie. C'est ce qui est le plus problématique, et qui ressort pour moi à cette nouvelle version. Les personnages des Coen ont, dans tout leur film, quelque chose qui échappe au regard aiguisé des cinéastes, un mystère à eux. Pas dans "The Big Lebowski". Tous les personnages sont privés de ce mystère, privés d’intériorité, privés d'humanité au final. Ils n'existent pas. Ils sont juste les pantins magnifiques d'un film qui les fait tourner sans point de vue. Leurs aventures sont réjouissantes, mais le fait que le film mette constamment à plat ses peu nombreux enjeux, en emportant les personnages avec lui, fait qu'au bout d'une heure et demi, le film en vient à tourner un peu, et l'on en revient à ce que je disais au départ, à vide.