Ici génie, sacrifice de la chauve souris

Ou Iphigénie, sacre (arti)fice de l'ombre ailée

Dans Rises, le très bon côtoie le beaucoup moins bon. C'est dit.
Dans Rises, on crée de bonnes idées et de l'espoir chez le spectateur, mais on ne concrétise pas tout. C'est dit aussi.
Dans Rises, il y a une démesure qu'on ne retrouve pas dans les premiers, ayant parfois l'effet recherché (sublimant certaines scènes, scotchant le spectateur) et parfois qui semble inadéquate ou inutile. Tout est dit.

On va pourvoir commencer la critique en elle-même.

Nolan a du talent (Note de la régie consciente des critiques de Cmd : Cette affirmation est totalement subjective, elle ne concerne que Cmd, notez que le support technique n'est en rien lié au contenu de ce type de déclarations, sujets à polémique, que Cmd sera prêt à défendre crocs et ongles ses positions bien que ses choix ne soient pas toujours les meilleurs. Par avance nous vous présentons donc nos plus plates excuses pour ce qui va suivre) et bien qu'il semble être devenu traditionnelle de vouloir lui lancer des fruits ou légumes dans un état plus ou moins avancée de décomposition de manière à marquer des points si vous le toucher en pleine tête, je ne saurai me résoudre à rejoindre la cohue : bien qu'il s'entoure de certains acteurs de manière récurrentes, il développe des idées intéressantes, sait insuffler du charisme, sait tenir son rythme, joue agréablement avec la caméra, il est compétent.

À partir de là je peux formuler deux hypothèses :
- Soit certains le conspuent car ils ont été déçu, on le comprends tout à fait puisqu'il n'y a pas que des bonnes idées dans cet opus et le que précédent était assez magistral.
- Soit les autres ne sont pas des adeptes du film de héros et/ou de Nolan en général et donc de toutes les manières peu importe le film, on conspue.

C'est dommage mais on fera avec.

Le film s'ouvre donc sur une séquence intéressante pour la présentation qu'elle permet de Bane mais qui donne envie tout de même d'aller bruler deux ou trois consultants techniques du fait de son impossibilité scientifique, une histoire d'avion, de pression, de filins, de faux cadavre. Des bonnes idées et des mauvaises, je passe l'éponge puisque on arrive là où on le souhaitait, la présentation de notre nouvel alter égo (puisque chaque opposant à Batman représente une alternative ou une vision déformée de notre héros) joué par un Tom Hardy qui réutilise plusieurs éléments de sa composition pour Bronson : un plaisir, on lui donne donc ainsi une prestance, une aura particulière malgré un masque somme toute bien inutile. Il sera donc puissant, implacable, réfléchi : tout semble prévu, il dégage une impression de contrôle autour de lui, on va donc loin du style impro et anarchie du Joker, on évite l'écueil de la bestialité crasse, il a son identité.

Cette formalité accomplie nous pouvons retourner à Gotham où on a commencé un petit culte de la personnalité d'Harvey Dent, débarrassé la ville de sa racaille, créé quelques lois bien dures qui facilitent les abus et l'action des policiers (ce qui n'est pas sans rappeler certaines lois anti-terroristes américaines mais bon, un peu de propagande, ça ne fait pas de mal). On retrouve donc un Bruce Wayne qui s'est reclus dans le chagrin et sa belle maison (manque de crédibilité tout ça mais pourquoi pas), Gordon chef suprême de la police (égal à lui même, s'engloutissant dans le travail puisque miné de l'intérieur du fait de cette réussite fondé sur le mensonge), John Blake son disciple, petit nouveau dans la police (Joseph Gordon Levit qui a plus de carrure qu'à son habitude, ça lui fait du bien, il est plutôt juste, c'est agréable) et une envoutante voleuse au corps sexy comme autrefois les stars (archétype classique de la femme fatale, séduisante, courageuse, un peu mesquine, cachant une part de fragilité : une recette qui fonctionne toujours aussi bien).

En arrière plan on a aussi un tocard pathétique voulant devenir encore plus riche qu'il ne l'est déjà et prendre le contrôle de Wayne entreprises et qui a l'air de se croire très intelligent, un pantin de plus que Bane peut manipuler à sa guise, provoquant l'action et permettant à chacun de sortir de sa tanière et de lancer la suite de domino qui constitue tout le scénario.

Ce dernier malgré quelques incohérences fonctionne très bien malgré une fin (globale, je ne parle pas que de la dernière scène j'y reviendrai après une alerte au spoil) décevante à bien des points de vue. Hans Zimmer en compagnon fidèle est toujours là avec ses habitudes qui en agacent certains, mais que je trouve toujours aussi efficace (à une ou deux exceptions près). Donc dans l'ensemble j'aime ces acteurs (Michael Caine, j'écris ton nom, Marion Cotillard, dont j'ai cru au départ qu'elle s'en sortirai, n'a elle fait que perdre en crédibilité au fur et à mesure du film).

Le film est conçu comme une conclusion, il porte donc le poids des DEUX précédents, ça l'alourdit mais c'est nécessaire et le rend complet. Dommage mais important pour le corps du film, il s'inscrit dans une véritable continuité (alors que The Dark Knight était totalement indépendant par exemple).

À partir de d'ici je vais me permettre de SPOILER.
Vous voilà prévenu.

On va rapidement faire le tour de tous les points négatifs :
- Le collègue pathétique de Gordon, qui aurait mieux fait de se pendre dans sa maison plutôt que d'enchainer actions décérébrées sur actions décérébrées.
- La charge de policiers qu'il dirige glorieusement qui est affligeante pour son manque de crédibilité et son aspect patriotique trop appuyé.
- Les références trop appuyées (alors qu'elles auraient pu être légères) au premier opus
- La mort de Marion Cotillard et tout ce qui se rapporte à Marion Cotillard
- La destruction progressive de tout l'intérêt de Bane en lui enlevant tout ce qui aurait pu être intéressant et en le faisant tomber amoureux de Marion Cotillard
- Pas mal de petites incohérences un peu bêtes
- Les pseudos twists liés aux filiations, à la prison
- Et cette fin qui détruit un peu le mythe, Batman aurait du mourir, il aurait ainsi complété le cycle, montrer qu'il croyait à son propre discours, en ne faisant que croire à sa mort, on tente de rendre heureux le spectateur alors qu'on est face à une supercherie un peu indigne de Batman.

Je crois n'avoir rien oublié.

Heureusement il y a de nombreux éléments qui m'ont intéressé et qui méritent qu'on s'y attarde.

D'une part il y a cette réflexion perpétuelle sur la justice, le moyen de la rendre et sur sa nature, ça m'a beaucoup amusé de voir Bane s'instaurer autant prophète que libérateur et dictateur, prodiguant la carotte et le baton, tentant à l'aide de dialectique boiteuse et de manipulation de la foule de redéfinir la société et donc sa justice : rendre comme le Joker, son vrai visage à Gotham et donc à l'humanité en général ?

Il y aussi de l'idée quant aux comportements des foules, l'activité humaine sans le carcan étatique (bon là c'est peut-être mon année de droit qui ressort un peu), ça s'articule surtout autour des choix de la foule, sur la manière dont elle va s'adapter, opportuniste et peureuse, profitant de la situation qui permet de trouver un exutoire enfin réel à une rage jusqu'à alors cachée ou détournée. C'est fait de manière démesurée, une fausse anarchie qui repose sur un déséquilibre.

Quand Bane lance son plan, qu'il parle de l'espoir comme outil permettant de rendre encore plus terrible sa vengeance (qui est aussi une leçon, à l'égard de Batman et de toutes les autorités qui ne peuvent intervenir) puisque la désillusion sera encore plus grande, ça marche terriblement bien ... jusqu'au moment où finalement Bane se révèle être le tocard qui est resté dans la prison et qui n'a pas donc n'a pas réussi à s'affranchir de l'espoir, ce dernier étant représenté par la descendance de Ras-Al-Gul qu'il aide à s'échapper de cet enfer.

Comme dans les premiers, les classiques questionnements sur le héros, sa nature, son utilité et aussi sur le dévouement et le sacrifice : déjà vus mais qui collent toujours aussi bien à Batman, héros particulier puisque héros par vocation, sacrifice et vengeance quand les autres le sont par nature (Thor le ridicule par exemple) ou destinée (Green Lantern le niais inutile). En le laissant totalement humain, en lui donnant la possibilité d'être un symbole que chacun pourrait incarner avec ses doutes qu'incarnent ses ennemis qui le confrontent à ses choix moraux, à ses espoirs et ses rêves, on sort du cadre du héros, c'est ce qui fit tout le charme des Batman de Nolan, c'est ce qui fait qu'on a pu lui accoler l'adjectif dark, ténébreux, violent et dépassant le cadre la justice mais qui refuse de donner la mort : pleins de délicieuses contradictions.

Nolan est donc fidèle à sa propre construction, il reprend ses thèmes, il reprend ses acteurs, mais dans une volonté de finir en apothéose qui nuit autant qu'elle apporte au film.

Les chiens ne font pas des chats, les chauves souris non plus d'ailleurs ...

Ps : C'est un particulièrement bon choix pour le Robin que Nolan laisse derrière lui.
Pps : Moi à sa place, j'aurai fait passer les enfants en premier sur le pont, les soldats aurait jamais osé tirer, tss c'est ça d'être trop idéaliste.
Cmd
6
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le 28 août 2012

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le 28 août 2012

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Cmd

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