Spoilers Spoilers Spoilers, parce que sinon c'est pas drôle.

Difficile de tirer son épingle du jeu des critiques, à l'heure où l'Internet français réflechit en commun au titre de son prochain article sur le nouvel opus de Christopher Nolan. J'aimerais pouvoir rédiger un texte concis, basé sur un avis tranché, mais la qualité du produit fini semble empêcher toute formulation absolue concernant ce film gentiment médiocre qu'est The Dark Knight Rises.

Si Inception semble être aujourd'hui considéré comme le chef-d'oeuvre de Mr Nolan, j'ai eu tendance à percevoir ce blockbuster onirique comme l'annonce d'un possible début de déchéance pour le cinéaste. Et à mon grand désarroi, TDKR semble confirmer cette crainte.

Tout ce qui faisait de The Dark Knight - ou même de The Prestige, trop souvent passé à la trappe - le succès cinématographique dont peu parviennent aujourd'hui à douter résidait, à mes yeux, dans la maîtrise totale de sa simplicité. L'intérêt des deux premiers épisodes de la trilogie de Nolan se trouvait dans son traitement, débarassé des codes, tropes et clichés du film de super-héro pour mieux s'accomoder de la dimension humaine, quasi-philosophique de la légende du Chevalier Noir. A cet égard, TDKR semble représenter un grand pas en arrière, un retour maladroit vers une approche plus frontale, moins cynique du comic book movie. Un geste qui, visiblement, réussit mieux aux productions Marvel qu'aux licences DC. Passé l'emerveillement certain que continuent de produire la photographie de Wally Pfister et la musique de Hans Zimmer, TDKR souffre de dialogues lourds et répetitifs, de séquences d'exposition dont la longueur et l'écriture parvient à ruiner des scènes entières, de flash-backs imposés sans autre légitimité que de faciliter l'annonce d'une fin expédiée, et qui parvient presque à annuler les efforts déployés au cours de près de 8 heures de film.

Ces défauts étaient déjà largement présents dans Inception, qui déjà souffrait d'une caractérisation négligée, faisant passer les besoin du storytelling avant ceux des personnages ou de la logique interne. Nolan se perd dans la répétition ad nauseam de ses symboles, qu'il soient psychologique (la force de l'âme et de l'esprit vs. la déchéance du corps) ou physiques (les renvois à la League of Shadows, bien trop présents et appuyés pour laisser une quelconque marge de surprise lors des révélations finales).

Ce rejet de la subtilité semble être devenu le nouveau jouet de Nolan, remplaçant l'intelligence intrinsèque de ses premiers films pour une sur-représentation de cette même intelligence, noyée dans une mise en scène paresseuse et un propos sans doute trop ambitieux pour son créateur. C'est sans doute là que réside la plus grande faiblesse de Nolan: un talent certain pour créer et développer des idées, mais un manque absolu d'imagination l'empêchant d'en tirer proprement parti. Comme dans Inception, les meilleurs moments du film surviennent dans la première heure, laissant la suite sombrer dans une facilité ponctuée d'erreurs de scénarisation et de montage laissant en miette toute cohérence dans sa continuité, et paresseusement nappée d'opportunisme politique ramenant cette trilogie, tirée vers des considérations plus philosophiques dans The Dark Knight, vers une approche presque trop terre-à-terre que même les plus médiocres films de super-héros (tels qu'Iron Man 2 ou Green Lantern) parvenaient à éviter.

Ces considérations politiques sont ici portées par un personnage qui, à l'image du film lui même, est sans doute le plus intéressant mais aussi le plus frustrant de la trilogie. Personnifié avec un quasi-génie par Tom Hardy, le personnage de Bane est bâti comme le Némesis ultime d'un Gotham idéalisé, représentée par la figure d'autorité fragile de Jim Gordon. Qualifié arbitrairement de Mal Ultime, Bane est probablement le personnage le mieux construit de la trilogie - même si certains sauront préférer le mystère entourant le Joker de TDK. Et le spectateur sera alors d'autant plus déçu de le voir violemment, facilement déconstruit, réduit d'Agent de l'apocalypse au statut de boyfriend éploré d'un personnage bien trop faiblement imposé au public, lors d'un twiste final assené avec un manque de subtilité, de réflexion qui pourrait mettre mal à l'aise le fan le plus ardu de Michael Bay.


Reste, seul, le talent visuel de l'équipe de Nolan , donnant lieu à d'extraordinaires séquences, telles que le premier affrontement entre Bane et Batman. Comme dans TDK, le réalisateur sait alors tirer parti de ses talents de metteur en scène, et du poids affolant du silence, pour donner plus d'impact à une scène qui restera, à mon avis, la meilleure du film. Malheureusement, la surprise n'est plus là pour le spectateur.

Pour résumer, TDKR est un film bâclé, malgré ses 2h40 de running time; un film fait de raccourcis scénaristiques trop simples (Blake expliquant à Wayne qu'il a toujours connu sa double identité), trop maladroits (les 5 mois de siège à Gotham ne semblent étrangement pas avoir affecté tout le monde), voire trop stupides (la mort des deux principaux antagonistes). Une triste conclusion donc, pour une trilogie qui, au moins, aura eu le mérite de donner ses lettres de noblesse au genre.
Warden
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le 25 juil. 2012

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le 25 juil. 2012

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