The Dark Knight Rises : La chute du grand con noir ?

Suite à un hiver nucléaire cinématographique causé par la projection complètement FOLLE des odes aux costumes moulants doublées d'un viol de la notion d'esthétisme que sont Batman Forever et Batman & Robin, Nolan était arrivé avec son Batman Begins un peu pompeux, mais vrai bon film de super héros. Il avait tout du moins suscité l'intérêt par la filiation nette à cette envie de tout mélanger en hurlant, sans parfois remettre les pièces dans l'ordre, qui était le style de Memento. Tout en conservant cette construction par cassures, de narration et de rythme, il avait réussi un coup de maître avec The Dark Knight. Travaillant le personnage du Joker comme synonyme et émissaire du chaos, ce petit malin avait du coup abouti à un Batman chercheur de vérité, certes à grands coups de poings dans la gueule, mais dans une posture idéale de détective de (la) justice. Le film s'articulait alors logiquement en une sorte de polar technologique aux plans classieux, à la photographie très contrastée et aux ambiances marquées, sans obligation de tout contextualiser à la truelle. Un film qui partait un peu dans tous les sens, mais qui possédait de vrais enchaînements, des successions réfléchies, et des scènes fortes avec quelques petits bouts en trop de manichéisme. Mais le thème de fond s'y prêtait plutôt. Bref, c'était le bon temps. Maintenant depuis l'euro... Rendez-vous compte, la baguette est passé à 1 €, alors qu'à mon époque, elle était à 3 francs. Tout se perd. Vous aussi ? Vous commencez à comprendre le problème de Nolan.

Comme dans un roman laissé à l'abandon par son auteur sans relecture et repris tel quel quelques années plus tard, Nolan rajoute au fur et à mesure du déroulement du film plein de petites pièces rapportées. Des rajouts visibles, des scènes allongées, une envie de réinjecter de la classe, du suc de poseur dans des moments où, clairement, il n'y en avait pas besoin. Une boulimie du plan "wahou" qui alourdit au lieu de combler et qui pousse ce pauvre homme à offrir une scène d'embrasement du "logo" même de Batman, forte dans le symbole, mais qui ne s'explique pas. Et personne ne veut d'ailleurs qu'elle le soit. Il faut la laisser mourir. Car, passé le stade du POURQUOI, il reste l'oubli. Une interrogation légitime qui se répète souvent durant ces 2h45 où, non pas les incohérences, mais les réactions illogiques veulent aussi passer devant la caméra, avec en point central le plan de Bane dont la réalisation prend des détours affolants pour une finalité qui peut correspondre à une crise de nerfs, et les rapports qu'entretient Batman avec le temps et l'espace. Le boson de Wayne va faire du bruit. Mais plus que ces problèmes de mise en forme, qui sont quand même une race assez répandue au XXI ème siècle, c'est surtout dans l'absence d'axe que The Dark Knight Rises montre son plus mauvais jour. Il n'y a plus le Joker. Il n'y a plus un personnage qui incarne la thématique du film, qui la fait briller et la rend vivante, puissante. Malgré l'impression de brutalité que dégage Tom Hardy en Bane, il n'est pas assez présent, pas assez marquant pour donner ce point de fuite nécessaire à l'action héroïque. Il n'est pas pour autant un mauvais bad-guy, ne serait-ce que par son comportement assez ambigu, mais se fait justement tackler au moment exact où cette dualité ressurgit, expédié comme une vieille chaussette de 130 kilos pour donner un dernier souffle au film.

Dépité devant ce spectacle de la triste violence, Batman doit alors lutter contre lui-même, contre cette mort qui le poursuit. Et c'est là que ce salopiaud de The Dark Knight Rises devient intéressant. Après avoir essayé de jouer à fond la carte du super-héros, après avoir tenté de faire passer des plans juste crétins pour de la création pur Machiavel, après avoir joué sur le CAC 40, les transactions et le capitalisme galopant, le film de Nolan utilise cette perche pour, ATTENTION, s'élever. C'est lorsque la disparition est cause que Wayne peut exister sans Batman. Alors oui c'est traité avec de gros sabots, avec des effets spéciaux qui défient les PIB de la zone euro, mais cette espèce (SPOILER AU FAIT) de renaissance pour mieux se suicider, pour avoir sa destinée totalement en main est tout de même intéressante et couillue. Wayne n'a jamais ressenti plus de plaisir que lors de cette acceptation, de ce dépassement de soi qui tue Batman une bonne fois pour toutes. La paix a besoin d'un héros (sous-entendu un peu décédé), comme le rappelle un personnage, et celle de Wayne aussi. Il en a plein le cul de Batman, et c'est ce que ressent le spectateur. Ce n'est sans doute pas le meilleur message du monde lorsque l'on dépense des dollars en produisant un film nommé Batman, mais il devient une telle caricature, une béquille tellement branlante, qu'il vaut mieux en terminer là, quitte à s'en foutre du reste. (FIN SPOILER). Lors de ces prises de conscience, de ces montées qui ne sont que de futures descentes, le film se tient bien et tout roule, acteurs comme scénario. Etrangement, c'est quand The Dark Knight Rises s'éloigne du fourre-tout mythologique Batman, qu'il fonctionne.

Comme Batman Begins, TDKR fait l'erreur de ne pas vouloir mélanger l'action totale et les questionnements. Laissant de côté la parlotte avec des dialogues qui sonnent très mal côté Selina Kyle, néanmoins très justement jouée par Anne Hataway qui est un petit bonheur du casting, et plutôt bien dans le camp Bruce Wayne/Alfred/Gordon. Cela n'empêche pas de regretter ce violent manque d'ambiance, cette absence de "touche" visuelle, le fait de ne "voir" Batman que 45 mn sur la totalité du film, mais, que voulez-vous, The Dark Knight Rises n'est quasiment plus un Batman. C'est au final LE regret et en un sens le point positif du film. Le problème étant que Nolan n'a pas su choisir et alterne entre des déceptions fanboyesques, à l'image des combats poussifs entre Bane et Batman et des coups d'éclats comme l'idée de l'isolement et/ou du monde sans Batman. Gloire donnée aux véhicules, personnages mourrant n'importe comment, Nolan pose les bases : l'humain n'a plus sa place dans Gotham. L'univers froid, synthétique et sur fond vert se réchauffe pourtant dans un final très construit et maîtrisé, qui, encore une fois, laisse échapper cette mélancolie, cette nostalgie de l'être vivant que Wayne/Batman laisse derrière-lui après 8 ans, même avec de l'entraînement. Il arrive un moment où on ne se refait pas. Il faut serrer les dents, passer avec le sourire, mais ce qui a été perdu et souvent difficile à récupérer, ou au moins en entier. C'est aussi cette impression qui plane sur The Dark Knight Rises, celle de l'acte manqué. Pas de quoi regretter, pas de quoi s'apitoyer, mais là où la poursuite de l'élévation pouvait donner une oeuvre, ne reste qu'une - très belle - succession de courtes fulgurances. Un Batman alternatif.
Killywan
7
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le 27 juil. 2012

Modifiée

le 27 juil. 2012

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Killywan

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